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Mieux assis, mieux instruits

Après plusieurs années marquées par une pénurie de bancs dans les écoles, le ministre de l’Éducation a fixé un cap ambitieux : atteindre « zéro enfant mal assis » durant l’année scolaire 2025‑2026. L’annonce, faite le 1er septembre 2025 à Rumonge, a suscité de l’espoir malgré les défis persistants.

Dans de nombreuses écoles du pays, la pénurie de bancs-pupitres demeure un défi majeur. Faute de matériel suffisant, les élèves sont souvent contraints de partager un même banc à trois ou quatre, voire de s’asseoir par terre. Cette promiscuité complique la concentration et compromet la qualité de l’enseignement.

Pour beaucoup, l’accès à des bancs adéquats représenterait une véritable avancée vers de meilleures conditions d’apprentissage. Pourtant, même dans certaines écoles de Bujumbura et d’autres provinces, la réalité reste inchangée : des enfants toujours trop nombreux par banc, cherchant simplement à apprendre dans la dignité.

Au Lycée Municipal de Kamenge, la scène est parlante : quatre élèves partagent un seul banc. Pour Diomède Niragira, enseignant dans cet établissement, ces conditions compliquent sérieusement le suivi des apprenants. « Quand ils sont quatre, il est difficile de savoir qui a réellement fait le travail. On a l’impression que tout le monde participe, alors que ce n’est pas toujours le cas », explique-t-il.

Selon lui, l’idéal serait qu’un élève soit seul, ou au moins deux par banc : « À trois, c’est déjà compliqué : lorsqu’un élève répond, on ne sait pas si la réponse vient de lui ou des autres. » L’enseignant précise qu’au moment des évaluations, ils tentent de s’adapter pour que chacun puisse exprimer ses capacités : « Pendant les interrogations, nous faisons sortir une partie des élèves afin qu’ils s’installent à deux par banc. C’est seulement là que nous pouvons vraiment évaluer le niveau individuel de chacun. »

Une urgence reconnue

La même situation s’observe à l’ancienne commune de Rumonge où la rentrée scolaire a mis en lumière un besoin urgent : plus de 4 500 bancs pour offrir aux élèves de meilleures conditions d’apprentissage. Face à cette situation, l’Office burundais de la protection de l’environnement est intervenu en remettant du bois à la commune. Ce bois sera transformé en planches pour fabriquer les bancs nécessaires.

Cette initiative s’inscrit dans le cadre du projet récemment lancé par le Ministère de l’Enseignement National et de la Recherche Scientifique, intitulé « zéro enfant mal assis », qui ambitionne d’améliorer les conditions scolaires à l’échelle nationale.

Selon l’association Youth Building in Synergie to End Poverty (YBSP), engagée dans la protection de l’enfance, les conditions matérielles jouent un rôle déterminant dans la réussite scolaire. Parmi les obstacles identifiés : le manque de bancs-pupitres, des salles de classe inadéquates et d’autres carences logistiques.

Elvis Arakaza, directeur exécutif de YBSP

« Augmenter le nombre de bancs-pupitres pourrait considérablement améliorer le secteur de l’éducation », affirme Elvis Arakaza, directeur exécutif de YBSP : « Lorsqu’un enfant est contraint d’étudier assis par terre, il n’est pas dans des conditions favorables à l’apprentissage : il peine à écrire correctement et à suivre le cours. »

Et d’insister sur la difficulté pour les enseignants de suivre correctement un élève lorsqu’il est assis à trois sur un banc ou par terre. « Prenons l’exemple d’un enfant à qui l’on enseigne à écrire une lettre alors qu’il est assis par terre: comment pourrait-il réussir?», interroge-t-il. Selon lui, cette situation complique considérablement le travail des enseignants et compromet l’atteinte d’un bon rendement scolaire.

Un appel à l’aide…

Les enseignants lancent un appel pour être dotés de bancs, afin que les élèves puissent étudier dans de meilleures conditions, bien installés. « En tant qu’éducateur, je demande qu’on augmente le nombre de bancs, même si les salles de classe restent limitées », affirme un enseignant. Selon lui, davantage de bancs permettraient aux élèves de s’asseoir correctement, favorisant ainsi un apprentissage plus efficace : « Lors d’un test, chaque élève pourrait exprimer ses idées librement et travailler en toute autonomie, sans copier sur les autres. »

Il propose aussi que les places soient attribuées en fonction du nombre d’élèves et du nombre de bancs disponibles, afin d’assurer des conditions d’apprentissage optimales.

Chanelle Ngendakumana, directeur du Lycée Municipal de Kamenge, confirme l’ampleur du problème : dans son établissement, les élèves s’assoient encore à quatre par banc. Il lance un appel aux bienfaiteurs et à toute personne pouvant contribuer pour fournir du mobilier scolaire. « Lors de la prochaine réunion avec les parents, nous leur demanderons de contribuer afin d’acquérir au moins 20 bancs », conclut-il.

Vers une solution durable

David Ninganza, directeur adjoint de l’association SOJEPAE

Selon David Ninganza, directeur adjoint de l’association SOJEPAE, active dans la protection de l’enfance, le manque de bancs scolaires résulte souvent de la négligence des parents et du désengagement des autorités communales. « Ce déficit a deux causes principales », explique-t-il : le manque d’enseignants, qui oblige à regrouper un grand nombre d’élèves dans une seule salle de classe, et le manque d’écoles dans certaines localités, où une seule structure accueille tous les enfants de la zone.

M. Ninganza estime que le programme « Zéro enfant mal assis » est tout à fait réalisable si certaines conditions sont respectées. Selon lui, l’État doit placer l’éducation au cœur de ses priorités. « Lors des réunions ministérielles pour l’élaboration du budget annuel, il faudrait d’abord prévoir les fonds nécessaires à la rémunération des enseignants, à l’achat de livres et à la couverture des besoins essentiels des écoles. Ce n’est qu’ensuite que les autres ministères devraient recevoir leur budget », insiste-t-il.

Et de conclure en soulignant la nécessité de sensibiliser les partenaires et bailleurs de fonds afin qu’ils mettent l’accent sur l’appui au secteur éducatif. Selon lui, l’État devrait également investir dans la construction d’écoles dans les zones rurales, pour réduire le nombre d’élèves par classe.

Contacté pour obtenir des éclaircissements sur cet objectif, le ministère de l’Éducation n’a pas donné suite à nos sollicitations.

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