Cela fait bien des décennies que «l’ami de la nature» crie, clame, avertit sur les dégâts que causera le lac Tanganyika, pour réclamer ses droits bafoués par l’humain. Et voilà qu’à l’heure qu’il est, les riverains du second lac le plus profond du monde, vivent la pire des saisons. Pourtant, le vieux sage avait tout mis sur tapis. Ma petite lettre est un mea culpa, au nom de ceux qui ont fait la sourde oreille aux avertissements.
«Mutama Mbonerane. Tout d’abord, c’est un immense honneur de composer ces phrases, modestes, à votre adresse. Certes, je suis en pleine désolation. Mais c’est le moment opportun.
Mutama Mbonerane. Aujourd’hui, à la Une des informations médiatiques, sur les réseaux sociaux, circulent la « révolution », le ras le bol que démontre le lac Tanganyika face à l’injustice, à la torture endurées durant tant d’années, sans avocat, sans droit à la parole. Désormais, ce lac a mis de côté le calme, la résignation. Il réclame ses droits, et de force. Certains disent même que, pour retrouver sa place, il ne fera pas recours aux négociations d’Arusha, encore moins à la Commission Vérité et Réconciliation. Loin de là. Le lac use de ses capacités, de son pouvoir.
Mutama Mbonerane. Pourtant, dans vos interventions, dans votre plaidoyer, vous n’avez cessé de souligner que, le jour où le lac allait se venger des maux lui infligés, cela fairait mal. Vous avertissiez, ou plutôt vous interprétiez les messages que le lac donnait. Combien de fois vous ai-je entendu dire «la nature nous parle, mais nous ne voulons pas l’écouter» ? Vous évoquiez les vomis du lac, faisant allusion aux déchets plastiques retrouvés sur les plages, apportés par les vagues. Vos sorties médiatiques, vos actions sur terrain, vos écrits, vos exposés dans les universités, votre expertise, vos propositions de solutions ont été si nombreux à l’endroit du gouvernement, des particuliers, des pécheurs, des industriels, des touristes, pour n’en citer que ceux-là.
Pourtant, le danger que vous annonciez a été pris pour des racontars.
Les maisons ont poussé comme des champignons aux bords du lac. Des quartiers sont nés, des activités industrielles, de Nyanza-Lac à Bujumbura ont été créées, au su et au vu des décideurs, eux-mêmes qui ont statué et ratifié la loi sur le Code de l’Eau, qui détaille pourtant la meilleure façon de construire tout en respectant les lacs et les courts d’eau.
Il est écrit noir sur blanc qu’il est interdit de construire à moins de 150m, à partir du niveau le plus élevé du lac.
A vrai dire, il faut comprendre que les 150 m sont à considérer à partir du niveau où les derniers crus ont mis ses limites. Cette disposition était devenue votre slogan. Vous en parliez, reparliez, avec des exemples, des témoignages…
La répétition
Mutama Mbonerane. Explicitement, les évènements du passé, exactement en 1964 vous ont marqué. Ceux qui grandissent aujourd’hui ont le devoir de savoir qu’en cette année, la fureur du lac a pesé lourd. Le niveau du Tanganyika a monté, les localités comme Kabondo, le quartier Asiatique ou encore la grande partie du quartier Industriel furent couvertes d’eau. Le seul moyen de se déplacer était de petites barques. Les habitants de ces quartiers ont été déplacés, leurs habitations ayant été ravagées par l’eau.
Dieu seul sait combien de fois vous avez répété que le phénomène allait se reproduire… Avec plus de dégâts.
Votre prophétie prend progressivement place. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à la colère du lac, impuissants.
Mutama Mbonerane. Voici le juste moment pour présenter nos plates excuses pour la mégarde, nos erreurs, notre inaction, et de surcroît, notre implication dans la pollution et la dévastation de ce beau cadeau céleste.
Du reste, que les décideurs prennent les mesures qui s’imposent en protégeant les zones autour du lac pour ménager les générations futures.