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Le quotidien comme personnel de maison: Ma vie de « boy »

Se lever au premier chant du coq, préparer le petit-déjeuner, curer, lessiver, faire les courses, faire à manger… parfois sous le regard menaçant de la cheffe de ménage ou les réprimandes du boss qui ne trouvera pas le plat du jour à son goût. Des misères invisibles pour la plupart d’entre nous

« Berekiiiii-maaaansi!!!! Qu’est ce que tu fous encore là à te curer le nez au lieu de…tu as vu l’heure? »« J’arriiiiive »-. Clopin-clopant, Berchmans prend son sac à dos pour faire les courses. « Ngiye kw’ishuri » (Je vais à l’école), nous dit-il, sourire aux lèvres, rappelant au passage que « personne ne porte plus de sac en plastique, parmi les boys ».

Nous voilà donc partis avec Berchmans pour faire les courses, au petit marché du quartier, à Nyakabiga III. En route, il nous apprend qu’il est debout depuis 6h du matin. « Faut préparer le petit-déjeuner des enfants, repasser les uniformes, surtout le lundi, conduire la petite dernière à l’école maternelle, revenir vite, très vite, pour nettoyer la maison et faire la vaisselle, et enfin, bonheur, aller au marché! ». Il est 9h. Au marché ou « l’école » plutôt, c’est un rendez-vous pour tous les comparses de Berchmans. Voilà, justement Pamela, la belle de notre ami, qui s’avance vers nous. Regards complices… » On se parle tout à l’heure, j’ai de la compagnie ce matin. »

Bwiza paradise…

Eric N., 20 ans connaît la vie de « boy » sur le bout de ses doigts. « Ça fait 7 ans que je suis dans le métier. J’ai fait pratiquement tous les quartiers. » Et d’énumérer: Buyenzi, Gasekebuye, Carama, Kinama, Kinindo… »Mais Bwiza, c’est vraiment top! » Qu’est ce qui rend notre ami aussi heureux? Le salaire? Les conditions de vie? Un peu de tout, nous dira plus tard Eric. A Bwiza, les salaires tournent autour de 20.000 Fbu par mois, les employeurs sont plus ou moins corrects, et puis il y a une ambiance de dingue. Ailleurs, …

Buyenzi: tu mangeras à la sueur de ton front !

C’est une course contre la montre, et ce dans tous les sens. Le vieux te dit: « Eh, Petit!, va me chercher les cigarettes! » À peine revenu, la grande-sœur te crie: « Va me chercher de l’eau! » Tu t’assoies deux secondes, et voilà la tante qui t’interpelle gentiment: » Va chez Zubeda chercher mon pagne que je lui ai prêté samedi dernier, et qu’elle te donne aussi le numéro de téléphone de sa coiffeuse ». Parfois, ce sont des missions quasiment impossibles : « Ecoute Eric, si tu fais ça, je te paye une bière! Wallah!!! » C’est Moussa l’adolescent de la fratrie -« Uuumh, j’ai peur… » – « Prends cette argent, va chez Sayidi, et demande un paquet de Class. »

Après une courte réflexion, Eric nous confiera que Buyenzi, ce n’est pas le pire. Tu cours, certes, mais tu ne cuisines pas. Le salaire, c’est selon: 10.000 Fbu, 15.000 Fbu… »Bon, il faut juste être sportif, mais à part ça… »

Gasekebuye a soif

Le quartier est neuf, des maisons flamboyantes, les patrons sont pour la plupart de jeunes mariés, avec des enfants en bas âge, mais surtout ce sont de nouveaux riches et donc moins regardant sur le salaire (50.000 Fbu/ mois), mais… »Entre faire la cuisine, nettoyer la maison de trois à quatre chambres, deux salles de bain… et tout cela sans eau! » – sans eau vraiment? « Enfin, presque! Tu dois aller la chercher à la fontaine publique, et c’est pas toujours très près! »

Kinindo, les mauvais payeurs

A Kinindo, c’est le pire des quartiers selon Jean-Marie, 25 ans. Le logement est confortable, le quartier calme, les patrons respectueux, les enfants polis et courtois, le salaire alléchant… Mais, surprise! « Lorsqu’approche la fin du mois, Madame devient de plus en plus sévère, de plus en plus exigeante. Chaque petite faute est commentée, notée et durement sanctionnée! »

Ce douloureux souvenir en réveille un autre. « Je vous ai parlé de Cibitoke? », questionne soudain Jean-Marie. « A Cibitoke, c’était chauuuud! Je travaillais pour un jeune couple avec deux enfants de 4 et 3 ans. Et tout ce beau monde logeait dans une bicoque d’une chambre. Moi, je partageais avec les quatre autres domestiques de la parcelle, la chambrette, qui nous servait, le jour de cuisine et le soir de chambre à coucher.  »

« On en était où déjà? » – Kinindo et ses réductions sur salaires… « Ah oui! Il manque une cuillère sur six ? Moins 2000 Fbu. Une assiette cassée? Moins 5000Fbu. Un verre, une nappe? Moins 3000 Fbu … » Résultat : sur les 50.000 Fbu de départ, il ne restera plus que 30.000Fbu. Et encore, ils seront donnés en tranche.

D’où « Bwiza paradise ».

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