Le 23 avril de chaque année, le monde célèbre le livre. La rengaine répétée à tort et à travers est que les jeunes lisent peu et écrivent encore moins. Pour eux cela n’est pas tout à fait vrai. C’est toute la chaine et l’industrie du livre au Burundi qu’il faut blâmer. Contraintes financières, culturelles, sociales…, les jeunes écrivains et les lecteurs nous ont parlé de leurs soucis.
Ce n’est pas qu’au Burundi seulement ! L’industrie du livre n’est pas assez développée sur le continent africain, surtout dans sa partie subsaharienne francophone qui constituait en 2012, 1.4 % de la production éditoriale mondiale, d’après la bibliothèque nationale de France. « Cela est regrettable connaissant le pouvoir socio-transformationnel du livre dans un pays comme le Burundi, avec toutes ses réalités », regrette Thierry Bamporiki, lecteur passionné et étudiant de l’Université du Lac Tanganyika.
Si cela est valable pour toute la société, les jeunes sont les plus critiqués pour ne pas avoir la culture du livre. Tressy Laure Gateka, férue de lecture également étudiante s’en offusque ː « Cela n’est qu’une idée reçue qui n’est forcément pas vraie. Les jeunes écrivent mais ils ne sont pas publiés. Ils ont plein de manuscrits dans les tiroirs », affirme-t-elle, contrariée. « Rien qu’un tour sur la toile et vous changerez d’avis. Ils écrivent beaucoup sur internet, Il faut tenir compte aussi des réalités du moment. A l’ère du numérique et du business, les jeunes ne lisent plus pour le plaisir mais plutôt pour se former et pour des raisons communicationnelles. »
Des contraintes de tous bords
L’auteur de « La poésie mon art et mon pactole », Boshirwa Melchisédech, donne une autre raison qui explique le peu d’engouement des jeunes pour l’écriture et la lectureː « Le métier d’écrivain n’est pas vendeur au Burundi. Écrire requiert beaucoup des moyens en termes de temps et d’argent auxquels s’ajoute un problème de diffusion et de vente des livres au Burundi. Bien plus, l’achat d’un livre est le cadet des soucis d’un Burundais ». Et de se demanderː « Comment écrire alors qu’il n’existe vraiment pas de maisons d’éditions digne de ce nom au pays, et lorsque se faire publier à l’étranger reste un parcours de combattant ?». Pour lui, le manque d’engouement de la part des lecteurs est l’autre défi qui précarise le métier d’écrivains au Burundi. Il y a ‘’gusoma’’ et ‘’gusoma’’, il est de notoriété publique que les Burundais préfèrent ‘’gusoma icupa’’ (prendre un verre) à la place de ‘’gusoma igitabu’’ (lire un livre). Ceci explique peut-être cela.
Thierry Bamporiki quant à lui appréhende le problème sous un autre angle « On dirait que c’est seulement les personnes âgées qui écrivent, le problème est qu’ils écrivent sur leur temps et les jeunes ne s’y retrouvent pas. Leurs ouvrages sont pour la plupart politique et chacun selon son appartenance régionale, ethnique, un sérieux écueil au travail de mémoire et de réconciliation nationale ». Et de se demander « A quand le récit du présent ? Cela est d’autant plus préoccupant quand on sait que les maisons d’éditions burundaises et étrangères penchent pour les ouvrages réalisés par une certaine élite alors que les jeunes veulent eux aussi s’exprimer pour faire savoir leurs aspirations ou tout simplement pour raconter leur vécu ».
Alors que faut-il pour que les jeunes s’y mettent et soient publiés ? la solution, Tressy Laure Gateka la donne en ces mots, ː « C’est par un effort de tous : le gouvernement, les médias, les auteurs eux-mêmes doivent s’engager pour encourager la lecture et l’écriture surtout dans les écoles. Il faut organiser toute la chaine du livre en structurant notamment les réseaux des professionnels de production et de vente du livre. Ainsi, le travail de l’écrivain pourra être valorisé. Si l’industrie du livre se porte bien, les jeunes s’y investiront naturellement » .