La décision de l’Office Burundais des Recettes (OBR) de revoir à la hausse la taxe de construction, prise le 1er juillet dernier, continue de faire des remous. Les parties prenantes et différents experts en discutent…
Les détenteurs des parcelles viabilisées ou non viabilisées dans le périmètre urbain devront, avant toute construction, s’acquitter d’une taxe de 0,8% calculée sur le devis d’un montant inférieur ou égal à 250 million de Fbu et de 2% sur un montant supérieur à cette somme. Cette taxe était de 0,6%.
D’aucuns se demandent si les autorisations de bâtir et le paiement de la taxe de bâtisse précèdent la viabilisation des quartiers. L’autre question est de savoir si la population a été informée ou sensibilisée avant la prise de cette décision ?
En principe, lâche sans ambages Ir Protais Manirakiza, Commissaire de l’Urbanisme, de l’Habitat et des Etudes à l’Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (OBUHA), l’autorisation de bâtir et le paiement de la taxe de bâtisse ne précèdent pas l’opération de viabilisation des quartiers : « La viabilisation prépare le terrain quitte à produire des parcelles ».
C’est aussi l’avis de Viateur Banyankimbona, Chercheur en Finances Publiques et enseignant à l’Université du Burundi : « Nul ne peut, dans un centre urbain, entreprendre une construction de quelque nature ou apporter des modifications à des constructions existantes, sans autorisation préalable délivrée par l’autorité compétente ».
Il ajoute que tout individu attributaire de parcelle acquise auprès de l’Etat ou possédant une parcelle de droit coutumier (parcelle privée) doit soumettre aux services d’urbanisme un dossier de demande d’autorisation de bâtir : « La signature de cette autorisation est conditionnée par le paiement d’une taxe dite de bâtisse calculée sur base du devis. »
Ainsi, la viabilisation devrait en principe précéder l’autorisation de bâtir et le paiement de la taxe de bâtisse compte tenu des défis dont on doit faire face (problèmes liés à l’accessibilité, à évacuation des eaux, etc.). Les procédures d’autorisation de bâtir incluent l’obligation de payer les taxes y relatives.
La démographie galopante, limites des mesures de viabilisation
La loi est claire pour quiconque désire construire sa maison dans une circonscription urbaine sur un site viabilisé ou non. Les articles 100 et 112 du Code de l’urbanisme précisent : « Quiconque désirant construire dans une circonscription urbaine doit remplir les formalités y relatives que ce soit pour une parcelle viabilisée ou non. »
La viabilisation des milieux urbains n’a pas suivi le rythme d’agrandissement des villes au Burundi et avec l’accroissement accéléré de la population cela pose problème. La population continue à adopter une pratique de construction anarchique pouvant dépasser même le milieu urbain en pensant qu’un jour ils pourront bénéficier de cette viabilisation. Dans ce cas, l’Etat se trouve dans l’incapacité de viabiliser tous les milieux d’un coup.
« Dans un contexte de pression démographique rapide comme celle du Burundi, la population ne pourrait s’attendre à des opérations de viabilisation à grande échelle pour acquérir des parcelles individuelles dans la mesure où cette approche influe négativement sur l’occupation horizontale alors que le pays n’est pas vaste pour satisfaire la demande accrue des terrains à bâtir », nous fait savoir Ir Protais Manirakiza.
Il ne voit aucun problème dans l’avenir puisqu’il s’agit d’une façon de s’acquitter d’un devoir prévu dans la loi d’une part mais aussi d’une formalité administrative obligée accordant au terrain une valeur élevée. « D’ailleurs la majorité des demandeurs de nos services se sentent aisés en s’acquittant de ces obligations « ajoute-t-il.
S’aligner sur la vision 2040-2060, oui mais quid de la sensibilisation de la population
La sensibilisation est l’une des routines de l’administration fiscale, le communiqué y inclut qui incite la population à payer ces taxes et d’autres activités sont faites dans cette mesure.
Du côté de l’OBR, la sensibilisation est en cours. « Le communiqué cité en est l’exemple », fait savoir Stany Ngendakumana, Directeur chargé de la Communication. Mais cette réponse de l’OBR ne semble pas satisfaire la plupart de propriétaires de parcelles rencontrés à Bujumbura qui jugent que la sensibilisation n’a pas été faite avant de revoir à la hausse ce taux.
Pour le commissaire de l’OBUHA, au lieu de sensibiliser la population sur cette réglementation, il faut plutôt inviter la population à revisiter le Code de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction car il ne s’agit pas d’une nouvelle loi.
La délimitation du périmètre urbain est dictée par la classification du centre urbain en fonction des critères d’urbanité bien précis. Actuellement, les périmètres urbains officiels se réfèrent au décret de classification et de délimitation des centres urbains de l’an 2000. « Un autre décret est en cours pour actualiser les périmètres urbains bien que celui de l’an 2000 reste en vigueur », fait savoir Ir Protais Manirakiza de l’OBUHA.
Comment s’en sortir ?
Les centres urbains s’agrandissent du jour au jour alors que le décret de 2000 n’est pas actualisé ; ce qui cause le problème d’injustice fiscale. Il faut que le ministère des Finances indique la délimitation des centres urbains.
Viateur Banyankimbona demande l’actualisation du décret sur la classification des centres urbains pour tenir compte des réalités actuelles des centres urbains.
Quant aux constructions en cours, l’expert indique que les modifications sont liées à la conjoncture économique et elles ne sauraient être appliquées aux constructions antérieures car ces dernières restent taxables conformément à la règlementation antérieure en respectant les règles en matière de prescription.
Pour l’OBUHA, le Burundi est en train de développer un programme des logements sociaux afin de renforcer la densification verticale et augmenter les terrains agricoles.
Sur base des analyses socioéconomiques, l’Etat est en train d’organiser des viabilisations par intégration sans privilégier la production des parcelles individuelles pour la partie qui revient à l’Etat.
C’est le cas du site de Rukoba de la ville de Gitega où l’enquête foncière est déjà en cours pour aboutir à la viabilisation. Cette approche se poursuivra sur les autres sites en fonction des analyses socioéconomiques tenant compte des besoins pertinents liés au développement urbain de la localité comme l’indique Ir Protais Manirakiza.
Entre juillet et octobre 2023, les recettes de la taxe de la bâtisse se sont élevées à 715.881.057 FBU.