Le gouvernement burundais a doublé le prix du café cerise pour relancer la filière et inciter les agriculteurs à reprendre leur culture. Si cette hausse est accueillie favorablement, les producteurs alertent sur des coûts de production élevés et des défis persistants.
Le 7 mai 2025. Le Conseil des ministres du Burundi a revu à la hausse le prix du café non transformé, passant de 1 380 FBu à 2 800 FBu par kilogramme. Cette mesure vise à inciter les cultivateurs à reprendre la culture du café et à relancer un secteur dont la production a fortement chuté.
Ces dernières années, la production de café est passée de 18 500 tonnes en 2020 à 7 500 tonnes en 2024, réduisant considérablement les exportations. Ces statisiques, fournies par l’agence américaine de développement agricole, mais publiées par la plateforme IndexMundi, montrent la chutte significative des revenus en devises d’exportation du pays. Dans plusieurs régions du pays, les agriculteurs ont abandonné la culture du café au profit du maïs, des haricots ou d’autres cultures à cycle court, jugées plus rentables.
Une hausse accueillie favorablement mais insuffisante
Les agriculteurs et les organisations agricoles telles que le Forum des Organisations de Producteurs Agricoles du Burundi (FOPABU) et la Confédération Nationale des Associations des Caféiculteurs du Burundi (CNAC Murima w’Isangi), et La Parole et Actions pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités (PARCEM) ont bien accueilli cette décision. Cependant, ces derniers soulignent, dans un entretien accordés ce 26 mai au Magazine Jimbere, que les coûts de production restent élevés, notamment en raison des dépenses liées à la main-d’œuvre, à l’achat de paillis et aux traitements phytosanitaires.
Dans les provinces Burunga, Gitega et Buhumuza, les travailleurs journaliers sont rémunérés à hauteur de 5 000 à 8 000 FBu par jour. Le paillis, essentiel pour la culture du café, est difficile à obtenir, obligeant les agriculteurs à l’acheter entre 2 000 et 3 000 FBu par charge. À cela s’ajoutent les frais pour rémunérer ceux qui coupent le paillis ainsi que ceux qui le transportent.
Les agriculteurs peinent également à se procurer des produits phytosanitaires à temps, ce qui expose les plantations aux ravageurs, réduisant ainsi la qualité et la quantité de la récolte.
Appel à un soutien renforcé du gouvernement
Les agriculteurs de Gitega et Buhumuza suggèrent d’augmenter le prix à 3 000 FBu le kilo pour couvrir les coûts de production. Ils demandent également un accès facilité aux engrais, des plants de café en quantité suffisante et des campagnes de pulvérisation efficaces.

Faustin Ndikumana, président de Parcem, recommande à l’État d’accompagne cette augmentation de prix par des mesures telles que la fourniture d’engrais, la multiplication des plants de café et un meilleur accès aux traitements phytosanitaires pour soutenir la production. En outre, suggère-t-il, « Le gouvernement doit s’engager à augmenter les rendements pour maximiser les revenus en devises. »
De son côté, Jean Pierre Ntabomenyereye, président de l’association des producteurs de café la CENAC Murima w’Isangi, déclare: « Nous avons appris que le gouvernement s’est basé sur les prix du marché international pour fixer ce tarif. Nous lui demandons de veiller à ce que, même si ces prix fluctuent, les agriculteurs continuent d’être payés à ce taux fixé. Au lieu de baisser, il serait préférable qu’il augmente. »
Selon Pierre Claver Nahimana, ancien ministre de l’Agriculture et de l’Élevage, aujourd’hui agronome, le gouvernement n’a pas investi suffisamment de fonds dans le secteur du café pour permettre de résoudre ces problèmes. Et de recommande: « Le gouvernement devrait rechercher des partenaires pour soutenir ce secteur, établir des lois régulant la culture du café, intégrer des technologies modernes et mettre en place des contrôles pour garantir leur application. »
Nécessité d’une gouvernance plus inclusive et durable dans la filière café
Suite à l’annonce de la hausse du prix du café, Emery Ndanga, président de la FOPABU, salue la décision tout en appelant à une approche plus participative. « Nous avons apprécié la hausse de ce prix. Toutefois, pour fixer un prix, l’État aurait dû réunir tous les acteurs du secteur », citant notamment les représentants des producteurs comme la CNAC, la FOPABU, les exportateurs, ainsi que les institutions publiques concernées.
Il insiste également sur la nécessité pour l’État de vulgariser les décisions, d’adopter une vision claire pour la filière café, et d’analyser l’influence du taux de change sur la rentabilité du secteur. « Des mesures durables sont nécessaires pour garantir la stabilité des décisions et encourager les cultivateurs à privilégier la culture du café », ajoute-t-il.

Emery Ndanga plaide également pour le retour des techniciens agricoles spécialisés dans le café et la multiplication des chercheurs afin de rehausser la qualité du produit. Il recommande le paiement immédiat des producteurs via mobile money et l’identification de marchés régionaux pour anticiper d’éventuelles ruptures de contrats à l’international. Il demande aussi au gouvernement d’augmenter davantage ce prix en tenant compte d’un tarif qui permettrait aux agriculteurs de récupérer les investissements consacrés à la rémunération des travailleurs, à l’achat d’engrais et aux autres dépenses, tout en leur assurant un bénéfice. Tous appellent le gouvernement à fournir aux agriculteurs les ressources nécessaires afin d’augmenter la production du café.
Jimbere a contacté, sans succès, la direction de l’Office de Développement du Café du Burundi (ODECA) pour connaître son plan pour apporter la solution aux defis ci-haut cités.




