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Déplacés de Gatumba, l’endurance érigée en mode de vie

©JIMBERE | Les enfants qui ne sont pas scolarisés passent tout le temps aux jeux, sous l'encadrement des volontaires

Tirée de la zone inondable de Gatumba, la population qui campe sur le site de Gisagara en commune Mubimbi vit dans des conditions déplorables. Une assistance humanitaire avec les moyens du bord s’y observe mais ces déplacés sont loin d’être satisfaits et appellent à l’aide. Reportage

De la plaine au sommet de la montagne, une quarantaine de minutes de route, nous atteignons enfin notre destination : le camp de Gisarara, en commune Mubimbi où sont installés plus de 1000 ménages sinistrés des inondations de Gatumba.

Il est 10h passées de quelques minutes lorsque nous pénétrons les lieux. Le site est établi au plus haut sommet de la montagne. Chaque souffle de vent véhicule le froid, balayant le sol poussiéreux et créant parfois des brouillards.

Le site parait densément peuplé et les gens sans trop d’occupation. Les enfants accourent chaque fois que des visiteurs approchent pendant ce temps quelques personnes sont concentrées à réparer les toits de leurs cases sévèrement déchirées par le vent fort. Finalement tous découvrent qu’il s’agit des journalistes qu’ils accueillent à bras ouverts. Alors nous nous engageons à la découverte de l’intimité de ce site, d’autant plus que ces résidents éprouvent du plaisir à nous parler de ce qui ne tourne pas rond.

A chaque souffle de vent, les abris se détériorent, poussant les résidents dans un constant raccommodage

Un rationnement au compte-goutte

Après quelques échanges, nous apprenons qu’ils ont du mal à s’adapter à leur nouveau régime alimentaire : « Nous qui sommes de la région d’Imbo, amateurs de viande, passer tous ce temps sans manger du poisson exige une nouvelle adaptation », lâche un vieil homme.

Shadia Ciza, une mère de huit enfants, trouvée devant sa tablette et son foyer, vendant les frites de patates douces confie : « Se procurer du repas deux fois le jour n’est plus chose facile » Et de poursuivre : « Cette situation a également de l’impact sur nos écoliers qui doivent faire un trajet de plus de 3 km pour arriver à l’école. Ils sont contraints de déployer d’importantes énergies pour faire les 6 kilomètres d’aller-retour, ce qui les décourage ».

Muzinga Abdoul Kalim, chef de site, corrobore ces propos : « La vie que nous menons actuellement, nous la devons à Dieu et au gouvernement qui, en collaboration avec les partenaires au développement, s’occupent quotidiennement de nous les rescapés de Gatumba ». Cependant il regrette que cette assistance soit minime au regard des besoins de ces familles : « Une somme de 235.000 BIF est mensuellement octroyée par famille, et quelque fois des denrées alimentaires. Or certaines familles comptent plus de 10 membres en leur sein. L’aide s’avère dérisoire. »

Abdoul Kalim reconnait quand-même les efforts fournis pour une adduction de l’eau, même si certains n’arrivent pas à supporter cette marche d’au-moins 800 mètres pour s’en procurer : « Puisque nous n’étions pas habitués à grimper les collines, certaines femmes préfèrent acheter de l’eau à 500 BIF  bidon au lieu d’aller en chercher.»

Un logis délicat

Les conditions de logement sont aussi une épreuve pour ces déplaces : « Si tu as 6 enfants, tu es amenée à faire des bricolages pour t’endormir » raconte Shadia, qui nous fait découvrir l’intérieur de certaines habitations. Elle explique : « Avec 4 enfants que j’ai ici, nous sommes obligés de nous allonger dans une case constituée par une seule chambrette. Imaginez si j’avais un époux ! »

Salon, qui sert à la fois de chambre à coucher pour tous les membres de la famille.

Même son de cloche chez Anicet Minani, père de 6 enfants qui n’a pas de mots pour décrire ce que vivent les couples mariés dans ces conditions : « Sans matelas, ni nattes, imaginez comment nous dormons pendant la nuit, un couple avec enfants, dans une même case exiguë. La vie de couple est presque impossible. » Pire encore, confie-t-il, ces abris suintent lorsqu’il pleut, à cause des vents violents qui ont fortement fissuré le toit. « Quand il a plu la première fois, nous avons dû passer la nuit blanche étant debout », se rappellent ces habitants.

Un autre jeune homme trouvé en train de raccommoder sa case témoigne : « Une autre calamité s’est produite avec le vent du 1 er octobre qui a emporté pas mal de tentes, y compris le toit du poste de soin que vous voyez ici ». Il fait savoir que seules les tentes octroyées par l’OIM semblent résistantes et ne se déchirent pas facilement.

Muzinga Abdoul Kalim juge ces conditions de logements inadéquates : « Vraiment nous n’avons pas sur quoi dormir, et les tentes qui couvrent nos abris sont les premières victimes des souffles de vents. Nous demandons aux bienfaiteurs de nous soutenir d’urgence, surtout avec la literie et de nouvelles tentes plu résistantes ». 

Quid de l’encadrement des enfants    

L’encadrement des enfants semble structuré malgré l’absence d’une école à proximité pour ce camp qui totalise 4000 enfants selon l’administration du site. Trouvée avec ses collègues en train d’aménager un petit bâtiment en planche pour en faire un bureau, Elysée Iranzi, agent de FVS Ami des enfants (l’une des organisations qui œuvrent sur place) donne l’aspect de l’éducation de ce site. « L’encadrement des enfants d’ici est aussi problématique car il y’a ceux qui ne sont pas inscrits à l’école, tantôt suite au manque de matériel scolaire, tantôt suite au manque d’engagement des parents. Mais en tant qu’acteurs défenseurs des droits des enfants, en consortium avec toutes les organisations qui œuvrent ici, nous avons pu mener un plaidoyer auprès de l’administration locale pour procurer du matériel scolaire aux enfants, mais aussi pour les intégrer dans les établissements scolaires environnants ». 

Les tentes érigées au site de Mubimbi, qui abrite 1025 ménages déplacés de Gatumba

Cependant, M. Iranzi fait savoir que d’autres enfants n’ont pas encore eu du matériel scolaire et restent du coup au camp. Cette catégorie est prise en charge par certaines organisations dont Springs Communities, Street Child et Help Net Top, qui s’occupent de leur éducation à domicile et de leur assistance psychosociale.

Appel à l’aide tous azimuts

Pour toutes ces raisons et la vie précaire qui règne sur ce site, ces déplacés demandent d’être délocaliser ailleurs dans une région un peu similaire à celle de Gatumba.  

Contacté, Ildephonse Majambere, porte-parole du ministère de la Solidarité, du Genre et des Droits Humains, assure que la priorité pour le moment est de répondre aux urgences : « Nous sommes conscients de tous les besoins de cette population. Mais le plus important est l’assistance humanitaire (vivres, eau potable, logement), et d’ajouter : « Nous sommes en train de plaider auprès de l’administration pour la mise en place d’une école pour faciliter la scolarité de ces enfants ».

Cependant M. Majambere reconnait l’excédent de la population dans ce site qui abrite plus 1000 familles alors qu’il devrait accueillir environ 540 ménages, après que le site de Kabezi se soit avéré incertain. A cela il confie : « Un nouveau terrain a été identifié en province de Cibitoke. L’on pourra y délocaliser une partie de cette population, afin de décharger le site de Gisagara ».

Comme il le fait savoir, ces sites sont provisoires. Car, après cette lutte urgente, le tour viendra pour la construction d’abris définitifs et durables pour ces déplacés.

En outre ce cadre du ministère fait appel à la solidarité inconditionnelle qui a marqué les burundais dans l’histoire : « J’appelle tout le monde à contribuer quelle que soit la forme de cette contribution, qu’elle soit en nature ou en fond, et de la faire passer par nos représentants car ils existent sur tous les échelons administratifs depuis les bureaux communaux. »

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