Le Burundi présente de nombreuses lacunes qui empêchent la mise en œuvre efficace de la convention de Minamata sur le mercure qu’il a pourtant ratifiée. Ceci ressort d’un atelier de sensibilisation sur les effets de ce produit chimique, organisé ce 19 novembre 2024 à Bujumbura. Le point.
Le mercure (Hg) est un produit chimique et un métal lourd argenté utilisé dans divers produits et applications tels que les thermomètres, interrupteurs électriques. Il est utilisé sur les sites d’extraction de l’or pour le séparer des impuretés, dans les amalgames dentaires, dans les produits cosmétiques et certaines lampes fluorescentes, etc.
Cette utilisation de produits contenant du mercure ajouté est nocive pour la santé humaine et l’environnement. Pire, les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les enfants y sont particulièrement vulnérables, a alerté Alphonse Polisi, coordinateur du projet ‘‘ Appui au renforcement des capacités institutionnelles et sensibilisation du public sur les questions du mercure et les produits contenant du mercure ajouté dans le cadre de la mise en oeuvre de la convention de Minamata’’ lors dudit atelier.
Le mercure est donc à la fois un élément fascinant et dangereux, nécessitant une gestion prudente pour minimiser ses effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement. Pour cela, le Burundi a signé la convention de Minamata sur le mercure le 14 février 2014, et l’a ratifié le 26 mars 2021 pour entrer en vigueur le 24 juin 2021, en s’engageant à protéger la santé humaine contre les émissions et rejets de mercure d’origine humaine.
Lors de cet atelier, Ir Berchmans Hatungimana, directeur de L’OBPE (office burundais pour la protection de l’environnement) a fait savoir que le rapport d’évaluation initiale du 31 décembre 2021, a révélé que le Burundi présente de nombreuses lacunes empêchant la mise en œuvre efficace de la convention de Minamata sur le mercure. Ces lacunes incluent le manque d’informations sur les effets du mercure sur l’environnement et la santé humaine, l’absence de technologies alternatives, l’insuffisance de données, des capacités humaines limitées pour sa gestion, et un faible niveau de sensibilisation et de formation sur le mercure.
Des effets sur la santé humaine
Et pourtant, l’exposition au mercure élémentaire dans divers lieux de travail, tels que les établissements de santé (suite à des déversements ou des débris d’équipements), les exploitations minières, les crèmes de beauté utilisées dans les salons de coiffure et les déchets contenant du mercure, constitue un grave problème de santé pour les personnes exposées et de fois entraîne parfois des décès.
Par exemple, lorsque les femmes utilisent des produits cosmétiques contenant du mercure, cela peut entraîner une dépigmentation de la peau, et le mercure pénètre dans le corps, affectant le fœtus et entraînant la naissance d’enfants avec des problèmes de santé ou des malformations. C’est ainsi que certaines femmes disent avoir été empoisonnées ou avoir rencontrées des problèmes de santé graves (Ubukangwe).« Le mercure se trouve dans ces produits et leur utilisation a des effets néfastes sur le cerveau et le système nerveux de l’enfant en développement, ce qui peut entraîner la naissance d’enfants ayant des malformations, des difficultés à marcher, à parler ou à voir correctement », a mis en garde Alphonse Polisi.
M. Hatungimana a martelé que le mercure représente un danger majeur pour la santé car les vapeurs de mercure inhalées peuvent affecter le système nerveux central, altérer la cognition et, dans certains cas, causer la mort. Il est également nocif lorsqu’il est absorbé par inhalation, par contact avec la peau ou par ingestion d’aliments contaminés.
L’environnement pas en reste…
Les activités humaines liées à l’exploitation de l’or, telles que la gestion des déchets, le recyclage des équipements usagés et d’autres pratiques, émettent du mercure dans l’environnement. Par exemple, les amalgames dentaires polluent l’eau, l’air et le sol, en raison de l’absence d’alternatives. Ce mercure s’échappe dans l’air et se retrouve dans les lacs, le sol et la végétation.
De surcroît, le mercure peut s’accumuler dans les écosystèmes aquatiques, où il se transforme en méthylmercure et contamine la chaîne alimentaire. Les poissons et autres organismes aquatiques peuvent accumuler de fortes concentrations de méthylmercure, qui sont ensuite transférées aux prédateurs, y compris les humains, lorsqu’ils consomment ces poissons/ « les recherches menées dans différentes régions ont montré que lorsque les animaux broutent de l’herbe poussant dans des endroits pouvant contenir du mercure, cela entraîne également la naissance de petits mort-nés », confie toujours M. Polisi.
En outre, pointe-t-il, les pratiques d’extraction de l’or au Burundi contribuent à la dégradation de l’environnement. Cependant, certains arbres peuvent être plantés sur les sites miniers pour absorber le mercure. Un autre problème est la disponibilité sur le marché de divers équipements contenant du mercure, ainsi que la mauvaise gestion des déchets, qui sont également des sources de pollution de l’environnement par le mercure.
Quid de la prévention ?
Une des actions à mener est la vérification par tout le monde, commerçants et en particulier les femmes, des produits achetés s’ils ne contiennent pas de mercure. De même, ceux qui travaillent aux frontières et les agences chargées de l’inspection des marchandises doivent s’assurer que les produits importés ne contiennent pas de mercure toxique.
En outre, il est recommandé de définir des objectifs nationaux pour réduire l’utilisation de mercure, promouvoir des matériaux de restauration dentaire sans mercure, renforcer les capacités des services d’assainissement en milieu de travail concernant le mercure, et encadrer les coopératives d’exploitation de l’or pour utiliser des technologies propres
Pour rappel, la Convention de Minamata porte le nom de la ville de Minamata, au Japon, où, dans les années 1950, des milliers de personnes ont été gravement intoxiquées par des effluents industriels chargés en mercure. Cette catastrophe environnementale a engendré de graves problèmes de santé publique, connus sous le nom de maladie de Minamata.
Décrite pour la première fois en 1949, cette maladie a principalement touché les pêcheurs et leurs familles, se manifestant par des symptômes neurologiques, sensoriels et moteurs sévères, tels que des troubles de la coordination, de la parole, et de la vision. Les effets dévastateurs de cette intoxication au mercure ont souligné l’importance cruciale de réguler les émissions de mercure pour protéger la santé humaine et l’environnement, d’où la création de cette convention internationale visant à prévenir de telles tragédies à l’avenir.