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Clémentine Kanyamuneza, ou l’art de transformer les échecs en opportunités

Clémentine Kanyamuneza lors de la célébration de la Journée internationale des cuisiniers le 20 octobre 2024 à l'ETS Kamenge en Mairie de Bujumbura.

Partie de nulle part dans un secteur exigeant et contraignant, Clémentine Kanyamuneza a élargi son champ d’action en passant de la cuisine sur les chantiers au service traiteur en l’espace de 8 ans. Avec un chiffre d’affaires de plus de 5 millions BIF, elle est la preuve que tous les métiers peuvent être rentables. Un bon exemple pour les futurs jeunes entrepreneurs…

« Ça fait longtemps que je travaille dans les chantiers ». Ce sont les premiers mots de Clémentine Kanyamuneza lorsque nous lui rendons visite sur le chantier de construction du Stade Intwari, situé sur le Boulevard de l’Indépendance. Cuisiner pour les aide-maçons et autres journaliers, le taf n’est pas, au premier regard, fait pour cette belle et élégante fille.

Détentrice d’une Licence en Economie obtenue à l’Université Espoir d’Afrique(Hope), Clémentine Kanyamuneza s’est lancée dans la restauration à bas prix dans les chantiers de construction : « L’idée m’est venue en 2016. Six mois après mon cursus universitaire, j’ai commencé à déposer mon dossier dans des banques, à l’OBR et chaque fois j’échouais au moment de l’interview »

Clémentine Kanyamuneza dans son restaurant près de Stade Intwari

Ces échecs, se souvient-elle, l’ont rendue très triste et elle s’est jurée de ne plus répondre à des appels à candidatures. Au cours de cette phase de désespoir, une occasion se présente à elle : aider dans la cuisine dans les chantiers de construction : « J’ai rencontré une dame dans un groupe WhatsApp qui demandait s’il y avait quelqu’un désireux d’apprendre à cuisiner. Quand j’ai répondu par l’affirmative, elle m’a repoussée, me disant que je ne serais pas capable de travailler dans la cuisine, que je ne pourrais pas aimer un tel métier. Mais je l’ai convaincue et elle a fini par m’accepter comme collaboratrice ».

D’après Clémentine Kanyamuneza, non seulement c’était un travail qu’elle ne pouvait pas repousser parce qu’elle était dans le besoin, mais aussi elle aimait cuisiner depuis qu’elle était petite. Elle avait même déjà suivi des formations culinaires durant son temps libre.

D’économiste à cuisinière des chantiers

Sa patronne cuisinait dans les chantiers pour les travailleurs journaliers. C’était au moment où on construisait plusieurs marchés dans la ville de Bujumbura. Elle avait le marché à Jabe : « Je suis née à Nyakabiga en Mairie de Bujumbura. J’ai été obligée de cacher mes diplômes pour me faire accepter dans le monde des maçons. Ça m’a pris du temps car je n’étais pas habituée à ce monde. »

Durant un mois, sa patronne a été malade et s’est retrouvée à tout gérer. Elle s’est finalement associée à la patronne en investissant une part de 50.000 BIF. Pour cause de maladie, la patronne est partie et Clémentine est restée seule dans ce business. « J’ai ouvert un restaurant à Ruvumera. Après j’ai eu un autre chantier parce que ces maçons m’aimaient et là où ils partaient, ils m’appelaient pour que je les accompagne », confie-t-elle.

Actuellement, indique Clémentine Kanyamuneza, son commerce avance bien car elle dispose désormais d’une société traiteur qui se charge de la restauration dans des séminaires, des fêtes, etc. Elle a déjà intégré trois de ses frères et sœurs dans différents chantiers à Bujumbura et à Gitega.

C’est aussi le cas de Richard Vyiringiro, son aide cuisinier sur le chantier du Stade Intwari. Originaire de Muyinga, ce jeune homme de 18 ans est fier de travailler pour Clémentine Kanyamuneza. Depuis, sa situation financière s’est améliorée : « Clémentine m’a donné du travail et ça va faire une année et cinq mois que je suis à son service. Avant je ne pouvais rien planifier, mais avec l’argent qu’elle me paie, je compte m’acheter une vache. J’ai déjà 4 chèvres à la maison et je prévois acheter une terre au mois d’août prochain et quand j’aurais eu l’argent suffisant, j’irai travailler à mon propre compte. Tout cela je le dois au travail qu’elle m’a donné. »

Des résultats palpables malgré des défis

Vincent Ndayikeje, tâcheron au Stade Intwari de Bujumbura, apprécie beaucoup le travail et les qualités de Clémentine Kanyamuneza. Bientôt deux ans qu’il mange au restaurant de Kanyamuneza : « Les travailleurs ne sont pas obligés de payer d’avance leurs repas. Ils peuvent passer un mois à manger sans avoir payé et elle ne se plaint pas. Cela nous aide dans notre métier car celui qui mange travaille avec énergie », fait-il savoir.

Pour Clémentine Kanyamuneza, il y a eu à affronter beaucoup de défis car les maçons ne sont pas faciles à vivre, surtout lorsqu’ils ont en face d’eux une femme. La première année, elle subissait des pertes car les maçons s’endettaient et refusaient de payer. Ils lançaient aussi des jurons et c’était difficile à supporter pour elle.

Elle dit qu’elle a voulu lâcher à maintes fois également à cause des problèmes des yeux et de la toux suite à la fumée de bois de chauffage. Mais aujourd’hui, elle s’est adaptée et connaît des bénéfices. Son association est enregistrée à l’ADB et elle paie des impôts. « J’ai déjà donné de l’emploi à 7 personnes dont 2 filles et 5 garçons. Pour les séminaires et les fêtes, je donne de l’emploi à temps partiel à d’autres jeunes. J’ai un chiffre d’affaires de 5.000.000 BIF. Maintenant j’ai une voiture, je loue une maison à Kigobe avec tout ce qu’il faut pour vivre et bientôt j’aurais ma propre maison car je suis en train d’en construire une ».

A tous les jeunes, Clémentine Kanyamuneza leur demande d’avoir un objectif dans la vie et ne pas négliger un emploi : « Si tu me vois dans ce chantier en train de cuisiner et après dans une banque pour verser de l’argent, tu ne pourrais pas te dire que c’est la même personne. », conclue-t-elle en riant.

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