C’est autour d’un thème sensible, «Du tabou à l’émancipation» que l’entreprise sociale African Women in Action, en partenariat avec le Ministère des Droits de la Personne Humaine des Affaires Sociales et du Genre, sous l’appui de l’Ambassade de France au Burundi, a organisé ce jeudi 13 juin une conférence débat à l’endroit des intervenants en matière des droits de la femme, pour débattre sur les enjeux autour de l’hygiène menstruelle.
Organisée dans le cadre de la célébration de la journée internationale de l’hygiène menstruelle, normalement célébrée le 28 mai, l’objectif est, selon Nicole Uwimana, fondatrice et directrice d’African Women in Action, d’interpeller tous ceux qui sont dans le secteur de la promotion de la femme, « afin d’élaborer une stratégie commune sur la gestion de l’hygiène menstruelle au Burundi et créer un cadre de collaboration entre les acteurs intervenants dans ce domaine pour la mise en oeuvre de cette stratégie ».
Ainsi, les intervenants notaient le manque de dialogue entre parents et enfants sur le sujet: «83% des filles ont peur de leur premières règles, selon une étude faite au niveau de l’ISTEEBU. A l’école, on n’enseigne les parties génitales et leur fonctionnement, les menstruations et tous ce qui se rapporte, vers les dernières années du fondamental. Or une fille voit normalement ses règles à ses 12 ans, portant encore son kaki. Comment vivra-t-elle ses premières menstruations? Qu’en est-il de ses filles qui n’ont pas cette chance de fréquenter le banc de l’école, sans aucun dialogue avec ses propres parents?», questionne avec émotion Gloria Iradukunda du FNUAP.
Pour elle, le tabou, les interdits autour des menstruations, ne devraient pas avoir de place car ils ne font que dégrader la valeur et la dignité de la femme.
Lyse Nkurunziza, de l’UNICEF rappellera que la question de la gestion de l’hygiène menstruelle est complexe et vaste: « Cette problématique ne se limite pas seulement aux tampons et ses 5 jours des règles. Non. Elle fait intervenir l’économie, l’éducation, l’environnement, la santé, etc. Il faut alors que tous ses secteurs soient sur la même longueur d’ondes. Des programmes à long terme, centrés uniquement sur la gestion menstruelle comprise dans sa globalité devraient être implantés au sein des institutions intervenant dans ces secteurs » suggère-t-elle.
Dignité et pauvreté, deux contradictions?
Tout part d’un témoignage de Rebecca Kwizera, une adolescente de Buterere qui a vu ses règles avant ses 13 ans, en 5ème année primaire. «Ce fut un calvaire. Demander une permission à un enseignant mâle, saigner de l’intérieur alors que personne ne m’en avait jamais parlé, et puis, oser évoquer le mot tampon alors qu’on mangeait à peine… J’utilisais alors de vieux morceaux de pagnes de ma mère ou des bouts de matelas. Vous imaginez par la suite les démangeaisons, les allergies et les infections,… Rares sont les jours où je suis allée à l’école pendant mes règles » racontait la jeune fille dans une vidéo de sept minutes.
A partir de ce témoignage, la question de l’accessibilité des tampons hygiénique revenait: « Dans certains endroits, des préservatifs sont servis à volonté, gratuitement. C’est avantageux pour lutter contre les IST. Cela devrait être également fait pour les serviettes hygiéniques, qui sont non seulement indispensables, mais sont un droit primordial pour la dignité de la femme » s‘est indigné Aziza Souleymane, de la Coopération Suisse.
Au niveau du Ministère en charge des Droits de la Personne Humaine, c’est l‘optimisme: « Actuellement, 80% de la population burundaise a accès à une structure de santé dans un rayon de 5 km. Dans ces structures, il y’a des services de santé sexuelle et reproductive. Certes, la gestion de l’hygiène menstruelle n’a pas encore eu son propre programme bien définit, mais des avancées significatives sont en train d’être réalisées» a déclaré Estella Ndahabonyimana, Coordinatrice de l‘unité d‘appui en genre et promotion de la femme au Ministère.
En attente des avancées, les participants ont réclamé la réduction de l’imposition sur les serviettes hygiéniques. «Pourquoi pas les mettre au même pied d’accessibilité que le préservatif? Après tout….qu’est ce qui est primordial et indispensable?» se demandera une participante.