Deux mois après son sacre, non seulement de l’eau a coulé sous les ponts, mais les glandes salivaires n’ont pas du tout chômé. Tetero est venue, elle a vu. Vaincra-t-elle « Imivumburo » ?
Son surnom sur Instagram plante le décor: elle s’appelle Umwamikazi. La reine. Rien moins que ça. Et qu’est-ce qu’elle fait, une reine? Elle règne évidemment, elle impose, rabroue, fixe la marche à suivre.
La jeune souveraine adoubée par la Primusic assume bien sa position: aux hautes positions, de hautes décisions.
Tenez, un des youtoubeurs comme il en est légion ces jours-ci débarque. Il déclare vouloir une interview avec Tetero. La star lui claque gentiment la porte au nez: « Je ne collabore qu’avec les médias reconnus au niveau du CNC », tweetera-t-elle quelques instants après.
Il est vrai que la chaîne YouTube qui sollicitait l’entretien, « Waka Light TV », porte une réputation sulfureuse: il y a des interviews aussi loufoques que celle dans laquelle l’interviewée se vante de ses exploits sexuels en servant de l’alcool à son bébé, ou des images dans laquelle le très controversé youtubeur Landry Promoter rate de peu une mâchoire fracassée par le poing d’un chanteur en colère.
Son crime? La pratique de « kuvumbura » (surprendre, dans l’argot urbain), ou le paparazzi à la sauce burundaise, qui est lui-même un copier-coller des pratiques de youtubeurs d’outre-Kanyaru.
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Entre colère et condescendance
Tetero donc: à peine annonce-t-elle qu’elle ne répond qu’aux médias reconnus par le CNC que les cris de rage s’élèvent. La guerre est déclarée. Elle a franchi le Rubicon. La toile récupère la bataille, chacun apporte son grain de sel, quitte à rendre le met inconsommable.
Le «Général » autoproclamé de la musique urbaine burundaise, Big Fizzo monte au créneau parmi les premiers: « Mais qui es-tu? Maria Carey, Céline Dion, Winnie Houston, pour qu’on t’envoie un e-mail avant de t’interviewer? Travaille d’abord. Tu te caseras dans cette catégorie après avoir prouvé ce dont tu es capable ».
Alain Nova, journaliste culturel à la Radio Culture, et l’un des premiers soutiens de Tetero alors dans la course pour la Primusic, abonde dans le même sens que Fizzo: «Cette chanteuse n’a même pas de nom de par ses propres œuvres, si ce n’est qu’interpréter les grands titres. Dites-lui d’y aller molo ».
Sat-B rajoute du poivre au sel, en tentant un double-coup: tacler et Tetero, et son « rival » de général: « Journalistes, musiciens…pourquoi vous emportez-vous contre Tetero. Ne voyez-vous pas que c’est un enfant? Qu’une aussi soudaine popularité peut la faire craquer? Si elle s’y prend mal, appelez-la, faites lui des conseils et c’est tout ».
Une leçon de professionnalisme?
En exigeant un email pour une interview, et donc du temps pour se préparer aux questions, Tetero semble pointer les carrières de ses stars « épouvantails », reconnues uniquement sur la scène locale malgré des années derrière le micro.
Elle pointe par ricochet le manque de professionnalisme du milieu, comme le soulignera Francis Muhire, batteur et auteur de travaux sur l’application du droit d’auteur dans la musique au Burundi: « En quoi est-ce que le fait d’exiger un email est un manque de respect? Est-ce que pour conclure un contrat avec la Brarudi, le plus grand contractant en musique au Burundi, ces journalistes et musiciens outrés le font-ils via WhatsApp? »
Et il faut dire que Tetero n’est pas à sa première provoc. Deux semaines avant la présente affaire, elle avait appelé ses fans de voter pour le Tanzanien Rayvanny dans l’East African Award USA 2019, ignorant que le groupe burundais Best Life Music faisait aussi partie de la compétition. Accusée de manque de patriotisme, elle s’excusera plus tard face au torrent des commentaires indignés. L’image était déjà écornée.
Reste que…
Toutes considérations comprises, nul ne peut s’empêcher de douter de la stratégie de la jeune artiste. S’en prendre aux médias, surtout ceux sur YouTube (certains affichent tout de même 40.000 suiveurs), à quelques jours de la sortie de sa première chanson qui va prouver ce qu’elle vaut réellement, artistiquement parlant, relève d’un mauvais calcul. Il y avait toujours moyen de trouver d’autres mots, une autre parade face aux sollicitations de Landry Promoter.
Antoine Kaburahe, à la tête du Groupe de presse Iwacu ira même plus loin: « Et si un média camerounais, yougoslave ou chinois (qui donc n’ont rien à voir avec le CNC) souhaitent vous interviewer? Vous rendez-vous compte de la portée de votre déclaration? A travers le monde, il y’a de nombreux médias « non reconnus » par le CNC. Ceci est une déclaration politique, or vous êtes artiste! »