Clouer au pilori avec un appel de recours à la violence contre des présumés coupables d’une infraction entretient un chemin presque non-retour vers l’effritement du tissu social. Un désastre à prévenir à tout prix…
Sur la colline Ciri, en commune Kiremba, de la province Ngozi, les témoignages vivants des habitants font froid dans le dos : il va sans dire que des vols dans les champs sont monnaie courante en milieu rural. Mais, le plus consternant, soutiennent-ils, est la répression de tels actes qui va au-delà des processus légaux et une justice populaire qui trouve une place de choix dans telles situations.
Marguerite* (45 ans), une cultivatrice de cette contrée, fustige ce comportement qu’elle juge immoral : « Des châtiments corporels sont souvent réclamés à l’égard des auteurs sans aucune autre forme de procès. Par instinct grégaire, on les inflige à tour de rôle une punition disproportionnée portant préjudice à l’intégrité physique. »
Le pire, signale Gervais*, également habitant la colline Ciri, certains condamnés sur la place publique peuvent être parfois victime d’une cabale concoctée contre eux : « Sans enquête approfondie, il est pratiquement difficile d’établir convenablement la responsabilité par rapport aux faits, d’autant plus que des traquenards dans pareille circonstance ne manquent pas. »
Le ver est dans le fruit
La tension monte dans la communauté au fur et à mesure que de tels agissements pour un soi-disant redressement ont le vent en poupe : « Certains individus peuvent en profiter pour se débarrasser de ceux avec qu’ils ne partagent pas les mêmes convictions, en usant de leur pouvoir/ influence pour les couvrir d’opprobre par l’appel à la haine ou aux actes violents », explique Gervais*. En guise d’exemple, poursuit-t-il, certains peuvent être arbitrairement incriminés suite à des soupçons liés aux pratiques de la magie noire, bien qu’elles ne sont pas pertinemment élucidées : « Derrière ces accusations, se cache parfois soit une volonté d’éliminer un élément politiquement gênant, soit de s’accaparer de sa richesse sans contrainte. »
Au niveau de l’administration locale, on ne nie pas l’existence de tels cas. Evariste Munyarushatsi, conseiller politique, administratif, juridique et social de la commune Kiremba, regrette ces réactions qui compromettent la cohésion sociale. Ici, il indique qu’une condamnation, injuste soit-t-elle, d’un présumé coupable d’une contravention ou d’un délit en le clouant au pilori fait grincer les dents des siens et peut conduire à des actes de vengeance. « C’est pourquoi on tient régulièrement des réunions avec les leaders des partis politiques et les administratifs à la base pour sensibiliser sur l’importance de la tolérance et du recours aux organes habilités dans le souci de remédier aux violations flagrantes du droit », fait-t-il savoir.
Un fléau à éradiquer
Cependant, interpelle Alain Désire Bukeyeneza, expert en résolution pacifique des conflits, à part les citoyens, certains leaders peuvent proférer des propos incitant à la violence, surtout quand ils veulent noyer le poisson : « Lorsqu’une autorité peine à trouver une solution aux défis qui hantent la société, à l’image par exemple de la pénurie sévère du carburant, il peut user des manières détournées en plaidant des peines plus graves allant même à la pendaison à l’endroit des fraudeurs de l’or noir, dans l’intention de se déresponsabiliser de cette carence.»
Dans ce cas, prévient-t-il, une telle incitation peut trouver un écho chez les citoyens qui sont surtout inconscients des enjeux autour d’une crise qui les ronge, et agissent sans pour autant faire preuve de jugeote. En outre, nuance Mr Alain, le recours ou l’incitation à la violence peut découler d’une impunité qui règne en maitre dans une société, et priver ses membres de leur épanouissement. « Un citoyen qui éprouve un besoin fondamental non satisfait cherchera à l’assouvir par tous les moyens moins licites, y compris même la violence », glisse-t-il.
Cet expert appelle également au respect de la loi dans toutes circonstances afin d’éviter du désordre qui fragilise le tissu social. « Toute personne doit comprendre qu’à chaque infraction, il y’a une sanction équivalente et individuelle envers le coupable, et la justice doit faire son travail en toute indépendance et impartialité afin de préserver la bonne cohabitation pacifique dans la société », conclut-t-il.
*nom d’emprunt