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Service Lumicash : contentieux autour d’une hausse de tarif   

Lumicash et ses partenaires dont des super-agents et agents sont à couteaux tirés après un changement de politique commerciale jugé unilatéral. Faux, rétorque la Directrice adjointe de ce service…

C’est la colère qui règne auprès des jeunes hommes et femmes colorés en jaunes, vendeurs de la monnaie mobile du service Lumicash depuis que ce dernier a annoncé la récente application de 0,3 % et bientôt 1 % sur les transactions entre agents sans lien de parenté.

Dès le 2 novembre 2024, le transfert électronique entre les deux agents, ou encore, un agent et un super-agent sans lien entre eux, est taxé d’un retrait de 0,3 % du montant envoyé. Selon toujours cette annonce, les 0,3 % passeront à 1 % à partir du 1er mai 2025, information qui fâche les partenaires de ce service répandu à travers tout le pays.

Pour eux, ce nouvel job qui avait remédié au chômage de plus de 70.000 jeunes dont les innombrables étudiants des différentes universités de Bujumbura, vient de prendre un coup de massue. Et pour cause, expliquent- ils, cette décision du service Lumicash est unilatérale et a été prise pour les seuls intérêts de ce service.

Une pilule qui ne passe pas

X, un super-agent basé en mairie de Bujumbura juge la décision restrictive : « Cette nouvelle application vient comme une barrière à ce que la Banque de la République du Burundi encourage : tourner le dos aux transactions monétaires des billets au profit de la monnaie mobile ».

Un autre agent se pose la question de ce qui adviendrait s’il cherchait de la monnaie électronique en cas d’urgence chez un super agent qui ne l’a pas développé : « Je demande par exemple 1.000.000 BIF et Lumicash me tranche 0,3 % (c’est-à-dire 3000 BIF), alors que cette transaction me paie 3700. » Et d’ajouter, bientôt on retranchera 1 % (c’est-à-dire 10.000 BIF) pour la même transaction qui paie toujours 3700. Quelle serait ce type de commerce ? »

Selon ces partenaires de Lumicash, cette décision implique désormais d’attendre indéfiniment des électroniques chez les guichets des banques où ils ne sont même pas accessibles. Car la solidarité qui régnait entre les agents et qui motivait le dynamisme des transactions vient d’être annihilée. 

À cela s’accompagne la pénurie de la monnaie électronique de Lumicash. Au moment où ce service affirme avoir établi des partenariats avec plus de 12 institutions financières, la réalité en est que même sur le Big Shop de Lumitel basé au centre-ville de Bujumbura, une foule des agents est à l’attente de ce produit.

La contrebalance de Lumicash

Dans une conférence de presse tenue ce 7 novembre, Ange Mélissa Ishemezwe, directrice adjointe du département Lumicash a encore expliqué  la raison de la nouvelle politique commerciale : « Pour avoir de la monnaie électronique, nous déposons un montant en espèces à la BRB, qui nous restitue l’équivalent en électronique. C’est ce dernier que nous distribuons aux banques, aux super-agents et aux agents, pour qu’à leur tour, ils puissent le fournir aux clients. »

« Comment voulez-vous que Lumicash tire profit avec ces tricheries des super-agents ?« -Ange Mélissa Ishemezwe, directrice adjointe du département Lumicash

Malheureusement, déplore la directrice, au moment où Lumicash paie constamment la maintenance pour que le système reste fonctionnel, les super-agents spéculent sur ce produit et s’en transfèrent entre eux-mêmes pour leurs fins au détriment du client final : «  En tant que service commercial, comment alors voulez-vous que Lumicash laisse passer cette tricherie ? »Et d’ajouter, « Même ces super agents y ont investi leurs fonds moyennant un profit escompté. »

Ange Mélissa Ishimwe justifie la nouvelle mesure comme un outil qui permettra de ramener les partenaires de Lumicash à la fidélité.  En outre, fait-elle remarquer, ce service pouvait bloquer les transactions mais l’ARCT (Agence de Régulation et de Contrôle des Télécommunications) ne le permet pas. Et de conclure : « Certains super-agents activent des cartes Sim pour leurs agents et s’en foutent de la suite espérant qu’ils continueront de s’enrichir mensuellement les bras croisés, alors qu’au contraire, ils sont tenus de surveiller les activités de leurs associés et de les aider en cas de difficulté. »

L’ARCT tranquillise également

Ces remous, rappellent selon plusieurs analystes, la faiblesse du secteur dumobile money du Burundi. Après la chute des certaines sociétés de télécommunication, les plaies ne sont pas encore cicatrisées chez certains utilisateurs. Au moment où Lumicash ne cesse de réaffirmer son engagement à fournir des services innovants à sa clientèle, des rumeurs se relayent de l’autre côté, sous forme de texto dans les groupes WhatsApp et différents réseaux sociaux. Avec les souvenirs marquant la perte, certains gens ont envie de retirer leur argent sur leur compte Lumicash pour plus de sécurité et de prudence.

Cependant, l’ARCT tranquillise les usagers des services Lumicash, qu’ils n’ont pas à s’inquiéter. Au niveau technique, indique Samuel Muhizi, directeur général de cette agence,  il n’y a aucun problème pour le service Lumicash. En outre, précise-t-il, ce dernier n’a aucun litige avec l’Etat que ce soit au niveau de la dette ou autre chose pouvant provoquer sa fermeture. Quant aux modifications de tarif opérées par ce service, elles rentrent dans leur politique commerciale, selon ce cadre. Ce qui est tout à fait normal dans le commerce.

Quid du mobile money au Burundi ?

Au Burundi, l’utilisation de la monnaie mobile reste encore au stade primitif, au regard du pas franchi par les pays de la région.

D’après les études réalisées par le Centre universitaire de recherche pour le développement économique et social (CURDES) de l’Université du Burundi, et présentées par le chercheur Michel Armel Ndayikeza, ce retard est lié à diverses causes, notamment le taux de pénétration du téléphone portable, le faible accès à l’électricité, mais également la taxe y appliquée.

À ces défis, Boaz Nimpe, alors secrétaire exécutif de l’Association des Banques et Etablissements Financiers (ABEF) avait ajouté d’autres entraves à l’épanouissement de la téléphonie mobile au Burundi : l’absence d’une stratégie nationale d’inclusion financière qui tient compte de l’utilisation du mobile money. Cet opérateur de banque avait également déploré le monopole qui domine le secteur de la télécommunication, notamment avec la suspension de certains acteurs.

Evolution du nombre d’abonnement aux services de mobile money

Actuellement le secteur de la téléphonie mobile est dominé par la fameuse société vietnamienne Vietel, via sa branche Lumitel et son jumeau Lumicash (département de Mobile money), Econet Leo et Onatel. Toutefois, de nombreuses institutions financières commencent à adhérer au service de Sim Banking.

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