Le but n’est pas de critiquer, ni de dénigrer, et encore moins d’appeler à une suppression simpliste d’un marqueur culturel aussi important que la dot. J’invite ici à sa remise en question. Je ne plaide que pour une chose : garder l’esprit ouvert…
Je m’appelle Diane. J’ai toujours été claire avec mon fiancé : je n’accepterais pas de dot. Pour moi, ce serait un tue-l’amour, une raison de rupture. Cette conviction, j’ai tenu à lui faire jurer de la respecter dès le début de notre relation.
Je pouvais passer des heures à lui expliquer mes arguments. Car plusieurs choses me dérangent dans cette pratique. Dont deux, principalement.
D’une part, la dot nous a vendu un processus social dans lequel la jeune femme est une actrice non-active. Comme si on primait la biographie de la future épouse : ce sont ses qualités à elle, sa beauté, ses bonnes manières, son amour du travail, son sens du devoir familial qu’on célèbre. La dot ne dit rien sur les remarques que la jeune femme a pu faire sur le jeune homme. Elle ne raconte rien sur la beauté, la simplicité, le grand cœur, l’amour du travail, ubushingantahe, la justice, la bonne réputation qu’elle a apprécié chez son potentiel futur époux. Est-ce à dire que la bonne éducation du jeune homme n’est pas sujette à un examen ?
De l’autre côté, on m’a fait remarquer que mes arguments étaient bien beaux, mais qu’ils ne tenaient pas compte de la réalité d’avant. La future épouse allait se trouver très loin de sa famille, et celle-ci vivait vraiment une « perte » que la dot essayait de compenser, « mu gusubizaho umukozi ».
Mais qu’en est-il aujourd’hui ? La plupart des mariages n’éloignent pas si gravement la jeune femme de sa famille. Le contact reste présent : même si elle ne peut retourner y vivre ou dormir, rien ne l’empêche de garder le lien avec les siens. Pourtant, les dépenses pour les dots n’ont jamais été aussi élevées.
Est-ce donc dire que les parents d’aujourd’hui offrent une meilleure éducation que ceux d’il y a cinquante ans ?
Mes parents connaissent depuis longtemps ma position sur le sujet, bien avant que je ne me mette en couple. Secrètement, ils espéraient que les fiançailles allaient me transformer, ou à défaut, la belle-famille.
Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’était de les voir changer d’avis, eux.
Par amour et pour amortir un changement brutal touchant la tradition, je ne concevais pas l’application de ma décision sans l’aval de mes parents. J’avais demandé à mon fiancé qu’on garde fête de la dot, mais qu’il n’y ait d’échanges d’aucune sorte, pécuniaires ou autres. Ma mère m’avait déjà averti que si je refusais la dot, je n’avais qu’à financer alors toute seule la fête que je comptais faire à la place. Cela ne me dérangeait pas : je l’avais déjà fait pour la pré-dot en contribuant aux trois-quarts de la fête.
Puis, soudainement la situation évolua de manière inespérée.
Mon père un soir de décembre 2015 m’interpelle, et me dit : « Tu sais, si on veut être cohérent avec tes principes, on ne devrait même pas avoir durant cette fête de dot des paniers. » Après tout, ajouta-t-il, la dot n’est pas une condition sine qua none du mariage, ni du bonheur. Choquée, je lui demandais : « Hama y’amateka yawe nayo yo kunkosha ? »
Mon père me répondit :« Il n’y a pas d’honneur à te ruiner pour une fête en laquelle tu ne crois pas, et priver ton foyer d’économies dont tu pourrais avoir besoin pour t’équiper. Mon honneur sera sain et sauf. »
Mon cœur s’est serré. Je me suis dit : « J’ai un père extra-ordinaire. »
La dot au #Burundi le souffre-douleur de l’évolutionhttps://t.co/r7PCMVYxih pic.twitter.com/Gn7dN5KItM
— Yaga Burundi (@YBurundi) June 8, 2016
Pour ma mère, ce fut un peu plus difficile. Elle avait tenu à faire des recherches anthropologiques pour contrer mes arguments. Mais je pense que n’eut-été sa peur que je ne regrette ma position un jour, elle aurait déjà capitulé et se serait déjà rangé du coté de mon père. J’aime et admire la ténacité de maman. Et je sais que le moment venu, elle fera front avec nous contre le reste du monde.
Au final, je considère que la meilleure manière de s’approprier les traditions, c’est de les remettre en question. Si je dois être l’expression d’une histoire et d’une culture, je dois trouver un moyen de les vivre en harmonie avec ma vie, mon milieu et mon époque. Dans mon entendement sur ces fêtes prénuptiales, il n’en faut qu’une. Juste une pour présenter les familles, les futures relations et parentés. Cette fête officialise l’intention de se marier aux proches et à la communauté.
Elle me paraît plus cohérente à la réalité d’une décision que vous avez déjà prise mutuellement. Des cadeaux peuvent s’échanger, mais proportionnellement aux moyens du jeune homme. De même, à la famille de la future épouse d’accueillir ses invités suivant ses moyens.
Pas besoin de se ruiner dans des décors faramineux en rénovant toute la maison avec des moyens qu’on n’a pas, ou de s’endetter pour accueillir trois cent invités quand les moyens ne permettent que cent.
Notre patrimoine devrait être la jauge de ce que nous donnons, recevons, acceptons et transmettons aux générations futures. Nous ne devrions pas nous laisser influencer par le tralala de la dot chez un voisin, ou l’envie de faire partie des histoires dont parlera Bujumbura des mois durant, ou même l’idée d’un excellent décor à présenter sur Facebook ou WhatsApp.
* Ce texte est un extrait d’un manifeste de huit pages sur la dot