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Reconnaissance des mémoires plurielles : gage de réconciliation

Les sociétés au passé douloureux comme le Burundi ont du mal à communiquer sans recourir à la haine. En cause, une différence de lecture de leur histoire. Le politologue Patrick Nimpagaritse conseille aux pouvoirs publics de mettre en place des conditions qui permettent à toutes les victimes de commémorer les leurs, seul gage de la réconciliation.

Comment raconter sur un passé non partagé entre les membres des différents groupes ?

Le Burundi est une société plurielle. C’est une société, disons, aux histoires variées, cela veut dire qu’il n’y a pas de vérité unique mais qu’il y a des vérités. Les mémoires sont, dans ce contexte, partagées ou plurielles. Dans ces conditions, quand on communique sur le passé en l’occurrence sur le passé du Burundi, il faut tenir compte de tous ces aspects. Se dire aussi que tous les groupes ont souffert, ou que tous les groupes ont éventuellement des blessures du passé, qu’il n’y a donc pas de monopole de blessures ou de souffrances.

Est-il aisé d’établir une communication qui n’est pas haineuse entre membres des différents groupes ?

Il est difficile d’être trop affirmatif sur la question. Tout cela dépend d’une personne selon qu’elle est blessée ou qu’elle ne l’est pas. Il y a de fortes chances pour une personne blessée de recourir à une communication haineuse. Si elle n’est pas blessée, il y a également de fortes chances qu’elle ne recoure pas à la violence dans sa communication. Donc les personnes blessées, si elles ne sont pas guéries, prises en charge, il y a de fortes chances qu’elles recourent à la violence ou à la haine quand elles communiquent.

Patrick Nimpagaritse, politologue: « Le Burundi a une histoire plurielle »

Quelles conséquences d’une communication qui ne tient pas en compte des différentes lectures du passé ?

C’est risqué de ne pas tenir en compte les différentes lectures de notre histoire. Comme je l’ai dit précédemment, le Burundi a une histoire plurielle, nos mémoires le sont aussi. Et donc quand on communique et qu’on ne tient pas en compte ce caractère différent de notre histoire ou de la lecture de notre histoire, ceci comporte des risques d’encourager et de produire des violences. C’est risqué justement quand on sait que ces violences sont généralement le résultat de la production des discours de haine. Dans toutes les sociétés où il y a eu des violences, il y a eu d’abord une sorte de production des messages de haine, de transmission de la haine et qui, à la fin, a débouché sur la commission des massacres de masse ou des violences. C’est donc risqué de ne pas prendre en compte cet aspect de la pluralité de notre histoire quand on communique.

Comment commémorer les évènements douloureux sans utiliser les messages de haine ?

Comme je l’ai dit précédemment, tous les groupes ont souffert au Burundi. Les mémoires sont donc plurielles. Et pour cela, les commémorations doivent être aussi plurielles. Toutes les victimes ou tous les groupes doivent avoir ce droit de commémorer. La reconnaissance de ce droit est un gage de non recours ou de non répétition de ces messages de haine. Et pour y arriver, les pouvoirs publics ont un rôle de premier plan à jouer. Bien sûr d’autres initiatives individuelles ou collectives, des associations des victimes ou d’autres intervenants dans le domaine peuvent également jouer un rôle mais cette responsabilité incombe à l’Etat, aux pouvoirs publics qui doivent veiller à ce qu’il y ait des conditions qui permettent à toutes les victimes de commémorer, de se souvenir des leurs. C’est à cette condition qu’il y aura une réconciliation entre les Burundais, une réconciliation entre différents groupes qui ont été touchés par le passé douloureux qu’a connu le Burundi.

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