Le président de la Cour Suprême vient de retoquer l’authenticité de la jurisprudence en matière foncière contenue dans le Tome 5 de la Revue de la jurisprudence. Pourtant, elle avait permis l’égalité des genres en la matière dans certaines juridictions. Des experts dénoncent la primauté de la coutume sur la Constitution et lui demandent de revoir sa copie…
Dans une note sortie le 16 août 2024, Emmanuel Gateretse, Président de la Cour suprême, indique qu’il y a eu des imperfections relevées lors de la séance de validation de cette revue de jurisprudence et qu’elles doivent être levées avant qu’elle soit publiée et vulgarisée. En outre, précise la note, cette revue sera publiée, une fois les arrêts qui vont à l’encontre de la coutume burundaise en matière de succession, extirpés de son contenu.
Les réactions ne se sont fait attendre. Pour Me Sébastien Ntahoturi, Bâtonnier du barreau de Gitega, « des imperfections ont été constatées, mais à première vue, certains aspects de cette revue nous ont aidés à refixer certaines règles qui étaient applicables devant les cours et tribunaux en ce qui concerne la succession ».
D’après toujours Me Ntahoturi, dans beaucoup de juridictions il n’y a pas de loi constante sur cet aspect de la succession. Des fois, fait-t-il remarquer, les juges n’ont pas la même lecture sur cette question et cette revue aidait énormément. Mais cette décision du Président de la Cour Suprême, regrette-t-il, vient remettre encore en question tout le travail accompli et même la suite.
En ce qui concerne la succession, confie Me Ntahoturi, il y a des matières qui ne sont pas pour le moment réglementées dans l’arsenal juridique alors qu’elles étaient réglées par la coutume.
A LIRE|| Comment la coutume exclut quasiment la femme de l’accès à la terre par succession au Burundi
La Constitution prime sur toutes les autres lois
Et de rappeler d’autres aspects sur lesquels on peut se fonder pour, peut-être, faire avancer un droit dans ce processus, notamment la Constitution : « Celle-ci prône l’égalité de tous les citoyens. Nous avons aussi le Code des personnes et de la famille qui prône que tous les enfants légitimes ont les mêmes droits et doivent être traités sur le même pied d’égalité. Il y a aussi d’autres lois que le Burundi a ratifiées. »
Même son de cloche chez Dr Pacifique Niyonizigiye, enseignant à l’Université du Burundi à la Faculté des Sciences Politiques et Juridique, pour qui, la revue avait suscité de l’espoir pour une évolution vers l’égalité des genres en matière successorale mais voilà que le Président de la Cour Suprême vient de le dissiper. Pourtant, rappelle-t-il, la constitution, qui est la loi suprême prévoit l’égalité des genres dans un État de droit.
Pour rappel, les arrêts de la Cour constitutionnelle ont été validés au cours d’un atelier qui a été organisé à Gitega. Toutes les instances de juridictions y étaient conviées. Elles les ont analysés et approuvés.
Dr Pacifique Niyonizigiye fait savoir que la hiérarchie des normes juridiques est un principe sacro-saint. La coutume ne saurait en aucun cas primer sur la Constitution et tout cela crée de l’insécurité juridique qui entravera la réalisation de la vision du Burundi pays émergent 2040 et développé en 2060.
Reconsidérer la correspondance pour limiter les dégâts
Si la Cour Suprême réalise l’utilisation abusive des juridictions contenant ladite revue et écrit une lettre pareille, c’est une évidence et les juridictions doivent s’y accoutumer. Face à une injonction du Président de la Cour Suprême, Me Sébastien Ntahoturi dit qu’il faudra exécuter la volonté de la Haute Cour de justice en attendant mais : « Notre plaidoyer serait qu’il puisse, comme il a écrit une correspondance, reconsidérer sa correspondance dans l’état raisonnable pour limiter les dégâts, pour ne pas retomber dans les mêmes situations auxquelles on était habitué de voir ici et là. »
Pourtant, selon Dr Pacifique Niyonizigiye, un projet loi régissant la succession avait été présenté en 2004 au Conseil des ministres mais 20 ans viennent de s’écouler sans suite alors qu’il contenait d’autres aspects qui pourraient aider dans plusieurs juridictions.