Les diverses crises que traversent une entité ou un pays sont susceptibles de creuser un fossé entre les membres d’une communauté au niveau des relations communicationnelles sur les réalités du moment, au risque de verser dans la manipulation ou la dissimulation de la vérité…
Des discours à rebours des réalités, les habitants de la colline Gatare, en commune Gisozi de la province Mwaro, en ont souvent entendu. De la bouche de certains leaders, ces habitants disent être scandalisés par une rhétorique qui ne reflète pas le quotidien des citoyens. « Ils disent que les conditions de vie sont bien meilleures aujourd’hui qu’hier alors qu’on n’arrive même plus à se nourrir deux fois par jour. C’est comme s’ils ignoraient sciemment la réalité », regrette Charles*, habitant Gatare.
Alors que le pays est plongé dans une crise économique marquée par la pénurie des produits de première nécessité et une inflation galopante, ces habitants de la colline Gatare remettent en question des discours, qui pour eux, tentent de dissimuler les conséquences de cette crise. « Certains dirigeants ne sont pas du genre à tranquilliser la population, mais plutôt à désorienter l’opinion par rapport à leur vécu, en minimisant leur ressenti vis-à-vis de la situation qui prévaut », pointe Agnès*
De la divergence de vue aux dissensions
Cette attitude, poursuit Agnès, conduit souvent à une dichotomisation de la société, ce qui est pourtant dangereux : « Parfois, en faisant fi de la réalité, les leaders divisent la population, leur influence pouvant mobiliser une opinion contre une autre. »
Pour Dr Jean Claude Bitsure, expert en communication, certains leaders tronquent la vérité à cause notamment de la malhonnêteté ou de la vanité : « Ils utilisent ce genre de langages parce qu’ils parlent avant de réfléchir, ou parce qu’il y a de l’obstination dans l’erreur. À l’ère des réseaux sociaux, il y a des leaders qui utilisent ce genre de messages pour que leurs partenaires puissent se rendre compte qu’ils sont en train de bien bosser, alors qu’il n’en est rien », souligne-t-il.
Des conséquences désastreuses
Ces messages, insiste Dr Bitsure, peuvent avoir un grand impact sur la vie sociale, notamment la perte de crédibilité de l’autorité, le non-respect de la loi par les citoyens, ou le refus de suivre les injonctions de l’autorité puisqu’ils n’ont plus confiance en elle : « Comme il y a des promesses toujours non tenues, les citoyens sont découragés. Par conséquent, il y’aura l’immigration forcée des citoyens, puisqu’ils ne peuvent plus tenir et que le discours au quotidien ne répond plus à leurs préoccupations quotidiennes. »
Cet expert alerte sur la dangerosité de tels discours dans la société burundaise : « Il peut y avoir des divisions qui peuvent conduire même à des conflits, ou à une guerre civile, comme nous sommes dans un pays post-conflit où des citoyens suivent des leaders le plus souvent de manière aveugle, et où la plupart des citoyens sont analphabètes, par ricochet n’ont donc pas cette capacité de réflexion, d’analyse de la situation, des messages, des discours, des politiques… »
Dr Jean Claude Bitsure appelle à une sensibilisation des leaders, des journalistes et la population sur le sujet, afin de prévenir la société de toute régression. « Un discours est une arme à double tranchant, c’est-à-dire qu’un mot lâché peut avoir des répercussions négatives ou positives sur la vie des citoyens, même à long terme. Il faut surtout que les leaders sachent qu’ils sont là pour le bien-être des citoyens », prévient-t-il.
![](https://www.jimberemag.org/wp-content/uploads/2021/05/NouveauLogoJimbere.jpg)