A la veille des élections, pour avoir plus de voix, certains acteurs s’invectivent, s’accusent sur fond des messages haineux, oubliant que la politique n’est qu’un jeu pacifique et démocratique où les compétiteurs ne sont que des adversaires et non des ennemis. Or, cette façon de faire peut déboucher sur des violences de masse. Jimbere a rencontré Ezéchiel Nyabenda, enseignant-chercheur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) et expert en conflit et développement, pour plus de détails.
Qu’est-ce qu’un adversaire politique ?
C’est un concurrent. Un homme ou une femme avec qui vous êtes en compétition sur le terrain, dont vous partagez les mêmes intérêts mais dans des directions différentes. C’est-à-dire que vous vous trouvez dans le même champ, à la recherche des mêmes ressources.
Justement pourquoi l’adversaire politique est souvent confondu à un ennemi envers lequel l’on doit produire des messages haineux ?
Tout repose sur la compréhension de la personne qui s’engage dans la considération de l’autre en ennemi. Au fait, les ressources humaines sont recherchées par les deux côtés et chacun veut s’en approprier alors qu’elles sont limitées. Et pour bloquer l’accès à ces ressources à l’autre partie, on la qualifie d’ennemi. C’est dans cette logique que l’adversaire est qualifiée d’ennemi. C’est surtout pour le disqualifier afin de l’empêcher d’accéder à ces ressources. Le problème est que ce qui n’était à la base qu’une violence verbale peut pousser les sympathisants des uns et des autres à l’affrontement physique.
Justement pour éviter un tel scenario, comment faire comprendre qu’un adversaire politique n’est pas un ennemi mais plutôt un partenaire du débat au processus démocratique ?
Cela passe par l’éducation de tout un chacun dès le bas âge pour qu’il apprenne à respecter l’avis de l’autre même s’il n’est pas d’accord. Ce qu’on appelle avoir une culture démocratique. Les gens doivent savoir que les ennemis sont opposés sur le plan des personnes et visent à se faire du tort, du mal alors que les adversaires eux, s’opposent sur le plan des intérêts et des actions et ne visent qu’à remporter l’avantage les uns sur les autres. Ensuite, les acteurs politiques doivent comprendre que l’adversaire politique n’est pas un ennemi mais quelqu’un avec ils sont en compétition par rapport aux ressources.
Dans la sphère politique, qui doit éduquer le peuple à cette compréhension ?
Normalement ce rôle revient à tout le monde à commencer par les leaders politiques qui doivent rassembler le peuple en une seule famille. Ce rôle revient également à la société civile qui doit jouer le rôle de conciliation entre les différentes parties ou acteurs politiques. Leur montrer qu’ils ne sont pas ennemis puisqu’ils ont la même identité mais plutôt des adversaires qui combattent pour les mêmes intérêts malgré leurs directions ou chemins différents.