Pour disqualifier leurs adversaires, certains acteurs n’hésitent pas à utiliser la parole de Dieu, dressant un tableau sombre de leurs opposants devant leurs adeptes. Comment un sermon peut-il tourner en plaidoyer politique. Comment s’en prévenir et éviter de véhiculer des discours haineux à l’aide des écritures saintes. Dismas Ndayikengurukiye, chercheur en consolidation de la paix nous en dit plus.
Est-ce que le langage ou le discours religieux peut-être une préfiguration d’un langage politique ? Si oui comment ?
Comme l’écrivain Scott l’a montré ou l’a démontré dans son livre intitulé L’ambivalence du sacré, le sacré peut être utilisé soit pour la réconciliation des sociétés brisées ou juste pour bâtir la paix. Mais il y a l’autre face où les gens ont tendance à utiliser le sacré pour semer la division entre les gens, ce qui peut engendrer de la violence, et quand je dis le sacré, je veux souligner tout ce que les gens prennent comme sacré que ce soit les livres saints ou même les lieux saints ou même les croyances.
Est-ce que cette transposition de la parole religieuse en combat politique peut générer des messages dangereux, haineux ?
Oui, oui, comme je l’ai déjà souligné par exemple vous allez entendre des gens qui utilisent des termes tirés des écritures saintes comme des incirconcis ou bien lorsqu’ils constatent qu’il y a des gens qui s’opposent à leurs idées, ils peuvent les menacer en leur disant que si tu t’opposes à cette décision, tu vas rencontrer la fureur de Dieu. Ce genre de messages peut inciter dans l’autre un sentiment de vouloir se défendre, ou bien s’ils sont proférés par des leaders religieux ou politiques ayant plus les adeptes derrière eux ; ces derniers risquent de considérer la personne visée par ces messages de haine comme ennemi de Dieu ou même comme ennemi de la nation, ce qui motive des actes de violence d’une certaine manière.
Pourquoi certains orateurs chrétiens/musulmans projettent sans cesse sur le temps présent les complaintes, les malédictions, la peur liés aux conflits violents du passé douloureux entre les membres de différents groupes ?
Des fois, les prédicateurs ou toute personne, à qui, la parole est donnée pour s’exprimer dans des églises ou dans des mosquées, prennent la parole de Dieu juste pour habiller leur message. Ils ont l’intention de s’adresser à leurs adversaires mais pour ne pas paraître aussi cruels, ils choisissent d’utiliser la parole de Dieu ou les écritures saintes juste pour dénigrer l’autre pour que leurs adeptes, les prennent comme des inspirés de Dieu et les conséquences est que les gens qui écoutent ces prédicateurs, qui utilisent à tort les versets des écritures pour inspirer la violence, n’ont pas la capacité de distinguer les intentions propres de l’orateur ou du prédicateur et la parole inspirée de Dieu. Alors les prédicateurs ou les gens qui s’expriment dans des congrégations et des milieux religieux choisissent d’utiliser la parole de Dieu juste pour habiller leur message de haine des fois ou bien pour inciter leurs adeptes soit à faire du mal à leurs adversaires ou juste pour se considérer comme étant les seuls qui sont proches de Dieu et les autres comme ennemis de Dieu, ce qui pousse les uns ou les autres à commettre les actes de violence.
Alors, quel est votre appel ?
Mon appel s’adresse principalement aux leaders religieux et même politiques, parce qu’on a des fois des leaders politiques qui sont invités pour s’exprimer dans des assemblées des églises. Mon message pour eux est d’essayer d’utiliser l’opportunité qui leur est donnée juste pour donner des messages de réconciliation, des messages de paix aux adeptes, aux peuples Burundais. Aussi, je crois qu’utiliser les écritures saintes à des fins purement égoïstes ou politiques, n’est pas quelque chose à encourager parce que cela sème de la confusion chez les adeptes, où la plupart d’eux n’ont pas cette capacité de différencier ce qui est inspiré de Dieu et les inventions propres des leaders. Alors c’est au leader religieux ou même politique d’essayer d’utiliser le moment acquis, qui leur est donné, juste pour encourager le peuple à collaborer dans la paix, à la cohabitation pacifique.
Propos recueillis par Christian Bigirimana