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Toutes les victimes se valent, halte à la catégorisation des souffrances

Des leaders politiques en quête du pouvoir n’hésitent pas d’user des discours catégorisant les victimes des violences de masse, oubliant que leurs propos sèment la haine et la zizanie avec un risque de créer le chaos. Comment éviter de retomber dans les travers du passé, quid des populations qui reçoivent ces discours…, Blaise Izerimana, socio-anthropologue, nous partage ses observations…

Que peut-on comprendre par catégorisation des victimes des violences de masse ?

Par catégorisation des victimes des violences de masse, il faut comprendre des discours qui essayent de montrer qu’il y a un groupe social qui a subi beaucoup plus de violence au cours d’une crise que les autres. Ces discours s’observent surtout dans les sociétés post-conflit et sont prononcés par des leaders politiques. Des discours du type : tel groupe a connu beaucoup plus de morts que d’autres, etc. Cela fait sous-entendre qu’il y a une catégorie des victimes des atrocités vécues et une autre qui serait auteur des violences. Pour ceux qui prononcent ces discours, il y a donc d’une part des victimes et des coupables d’autre part. C’est également une expression d’un groupe qui s’est senti bafoué dans le passé et qui veut prendre sa revanche en stigmatisant ceux dont il juge coupable de ses blessures du passé.

Blaise Izerimana: « Les leaders politiques devraient éviter ces discours qui catégorisent les gens sur base des souffrances vécues. »

Quelle est l’intention derrière l’utilisation de ces discours qui catégorisent les victimes ?

L’intention derrière ces discours est d’ordre politique. Ces discours sont souvent employés par des leaders politiques qui veulent écarter de la course électorale d’autres leaders des groupes jugés coupables de ce qui s’est produit dans le passé. Du coup, ces discours vont catégoriser les victimes pour des raisons électoralistes en faisant fi des réalités du passé, des responsabilités et des douleurs des uns et des autres et en stigmatisant le groupe jugé coupable et souvent opposé à eux. C’est une stratégie de dire aux siens que les autres et leurs descendants sont coupables et qu’ils ne méritent aucune considération. Il s’agit également de pousser les membres de la catégorie indexée comme coupable à ne pas participer à la vie publique, à s’isoler. En fin de compte, cette stratégie vise à neutraliser politiquement ceux qui sont jugés comme opposants à un régime politique.

Quelle doit être l’attitude des populations qui reçoivent ces messages ?

Les populations doivent avoir un esprit critique, savoir que les hommes politiques ne partagent pas toujours les mêmes intérêts avec elles mais sont souvent à la recherche de leurs propres intérêts et ceux de leurs proches. Pour avoir cet esprit critique, il faut que les parents disent la vérité à leurs enfants de ce qui s’est réellement passé. Cela leur permettra de ne pas tomber dans des manipulations.

Quelles peuvent être les conséquences liées à l’utilisation de ces messages dans une société post-conflit ?

Les conséquences sont nombreuses. A court terme, ces discours peuvent freiner l’élan de réconciliation. Beaucoup d’initiatives s’observent dans des sociétés post-conflit qui visent à réconcilier les populations après une période de crise. Lorsque de tels discours surgissent, cela freine ces initiatives, ce qui pousse les gens à se recroqueviller sur leurs positions avec un risque évident de retomber dans les travers du passé. A long terme, ces discours poussent les générations futures à grandir dans la psychose de la peur, la honte du supposé mal commis par leurs parents et dans un esprit revanchard. Imaginez des enfants qui grandissent en entendant d’une part que leurs proches ont commis des crimes et d’autres part que tel groupe est responsable de leurs malheurs, la tentation de commettre l’irréparable sera grande.

Quelle est la communication adéquate pour éviter la propagation de ces discours ?

Les leaders politiques devraient éviter ces discours qui catégorisent les gens sur base des souffrances vécues. Ils devraient respecter la douleur de tout un chacun et adopter une communication conciliante.

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