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L’empathie, arme efficace contre les messages de haine

Des divisions s’observent souvent lors des commémorations publiques des événements douloureux du passé. Chaque groupe cherchant à susciter l’attention en relativisant ou en niant carrément les souffrances de l’autre camp. Ceci peut conduire aux violences. Dès lors, comment susciter l’empathie lors de ces périodes de commémorations ? Quel peut être son rôle ? Oswald Ndayisaba, psychologue nous en dit plus…

Quels sont les caractéristiques d’une empathie dans la commémoration des événements douloureux ?

Pour parler d’empathie dans la commémoration des événements douloureux, il faut qu’il y ait d’abord l’écoute. La partie qui ne commémore pas ce jour, doit avoir cette capacité à écouter l’autre quand elle commémore car il y a des pratiques qui sont faites et des discours qui sont prononcés. Donc il faut une écoute attentive. Quand celui ou celle qui commémore exprime ses émotions, il faut que l’autre ait cette capacité de le comprendre. S’identifier à celui ou celle qui commémore, en se mettant dans sa peau, permet de comprendre les causes de certaines réactions lors de la commémoration. Il faut que l’autre se solidarise à celui ou celle qui commémore et le respecte dans ce qu’il fait. Même si l’on ne peut pas totalement se mettre à sa place mais respecter ce qu’il dit, ce qu’il ressent.

Nous assistons souvent à des commémorations séparées et divisées au Burundi, quelle est votre lecture là-dessus ?

Les gens se regroupent par partie ou par groupe à cause des souffrances vécues dans le passée. Mais c’est une étape dont on doit franchir rapidement parce que si on reste dans la séparation, le risque est de rester dans la victimisation. C’est bien, dans un premier temps, de se séparer des autres en se mettant dans un groupe pas pour accuser les autres mais pour justement comprendre ce qu’on a vécu ensemble et après aller vers les autres. Cela permet de se comprendre et comprendre ce que les autres ont également vécu et après construire une autre histoire ensemble.

Oswald Ndayisaba, psychologue: « Les gens se regroupent par partie ou par groupe à cause des souffrances vécues dans le passée »

L’empathie peut-elle contrecarrer les messages de haine lors des commémorations des événements douloureux. Si oui, comment ?

Oui, elle le peut et elle est cruciale dans la lutte contre la prolifération des messages haineux. Lors des commémorations, il y a des discours qui rappellent les souffrances vécues. L’attitude de l’autre groupe sur place qui essaye de comprendre cette souffrance, la lourdeur des événements vécus par l’autre camp, permet à ceux qui commémorent de se sentir soutenus, compris, aimés et cela attenue leur souffrance. Bien plus, cela permet d’éviter la globalisation, penser que tous les membres du groupe d’en face soient responsables de vos souffrances, ce qui peut conduire à de la violence.  In fine, cette empathie permet d’unir à nouveau les gens.

En cas de commémoration séparée, comment peut-on susciter l’empathie ?

Lors des commémorations, comme je le disais tantôt, il y a des discours qui excluent les autres qui veulent venir manifester cette empathie. Trois choses doivent être éviter afin de susciter l’empathie. La première est la survalorisation du passé c’est-à-dire éviter d’exagérer en présentant les faits. Par exemple il y a eu cinq morts lors d’un évènement mais on entend dans un discours que toute la colline a été rasée alors que ce n’est pas vrai. Dans ce cas ceux qui étaient présents lors de cet évènement douloureux se sentent visés. Donc, il faut éviter de mentir sur le passé pour susciter l’attention, essayer de cadrer son discours avec la réalité des faits. La  deuxième chose à éviter est l’oblitération du passé c’est-à-dire nier le passé, nier les souffrances des autres en prétendant être les seules victimes des souffrances vécues. Ici, le discours doit être réconciliant, qui reconnait ce que les autres ont vécu comme souffrances. La dernière chose à éviter est l’amnésie collective, c’est-à-dire essayer de nier ou d’effacer les événements du passé en voulant cacher une vérité tout en inventant une autre. Si ces trois choses sont évitées, cela permet l’autre camp de se rapprocher et ainsi l’empathie se crée.

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