À quelques mois de la tenue du triple scrutin de 2025 (les législatives, communales et collinaires), les préparatifs préoccupent plus d’un. Tour d’horizons de différents acteurs sur cette question…
17 janvier 2024, les 7 commissaires de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) prêtaient serment devant le Président de la République, les membres de l’équipe gouvernementale, les deux chambres du Parlement, les diplomates… Une primordiale étape qui annonce le début de la période électorale. De quoi faire réagir les acteurs politiques et la société civile locale.
Selon Simon Bizimungu, secrétaire général du parti CNL, la mise en place de l’équipe de la CENI n’a pas été le résultat consensuel. « Les membres de la CENI ont été investis sans consultation des partenaires politiques ayant au moins participé aux précédentes échéances électorales. C’est un manquement car la CENI en soi est considérée comme un arbitre et ce dernier doit être élu par les partis concourants« , considère-t-il.
Inquiétude partagée par Rémy Havyarimana, coordinateur national de l’association « Maison Lueur d’Espoir ». Pour lui, « la transparence et la neutralité de la CENI devraient en principe s’observer d’abord lorsqu’il faut la mettre sur pied, c’est-à-dire que les partis politiques devraient se mettre ensemble et définir les critères des personnalités éligibles pour faire partie de l’équipe. Si donc cette étape n’est pas respectée, il y’a quelque chose qui cloche.«
Malgré ce mauvais départ, observe Francis Rohero, à la tête du parti FPI, « les individus élus au niveau de la CENI ont une mission et un certain niveau de leadership personnel qui peuvent leur permettre d’être indépendants au-delà de ceux qui les ont nommés. L’avenir retiendra d’eux que ce sont des êtres qui ont participé au fait que la démocratie avance au Burundi. Au cas contraire, poursuit-t-il, on se lamentera comme à toutes les époques et tout sera comme d’habitude. »
L’urgence du code électoral
Bien que la loi électorale soit déjà adoptée au niveau du Conseil des Ministres, certains acteurs politiques et de la société civile déplorent le processus de son vote. Pour Rémy Havyarimana, même s’il sera porté à la connaissance du public, une fois promulguée par le Président de la République et les deux chambres du Parlement, « il n’y aura plus de marge de manœuvre pour discuter sur certains amendements du code électoral et faute de temps, les acteurs seront plus pressés à entamer les campagnes électorales.«
Même préoccupation du côté du parti FPI. D’après son président, Francis Rohero, certaines dispositions du code électoral, qui n’est pas encore disponible, risque de compromettre la participation des candidats aux différents scrutins : « J’entends parler de la hausse des cautions de candidature à la présidentielle, la députation et aux communales pour les prochaines élections, comme si on jugeait la personnalité d’un élu par l’argent qu’il doit avoir. Si le fait d’avoir de l’argent démontre que les gens ne sont pas fantaisistes au niveau électoral, c’est tout à fait le contraire. On est plutôt entré de prouver que notre argent a tellement perdu sa valeur, à tel point qu’un aventurier peut avoir une telle somme pour se faire élire. Demander de l’argent à des listes en commune ou en province, c’est comme si on fait fi de la dignité & des valeurs humaines, pour donner l’aura à ceux qui ont de l’argent, et qui peuvent l’avoir malhonnêtement gagné.«
Abondant dans le même sens, Phénias Nigaba, vice-président du Sahwanya Frodebu, une autre formation politique de l’opposition, trouve qu’il manque déjà certains préalables avant la tenue des élections de 2025. Outre l’indisponibilité des textes légaux régissant les prochaines élections, cet homme politique regrette l’absence de la carte d’identité biométrique, comme promu par le Ministère de l’intérieur : « Si on regarde le temps imparti, il sera difficile voire impossible d’utiliser une carte biométrique lors des prochains scrutins. Tout le monde ne sera pas capable de s’en procurer du fait de son coût et risquerait de perturber le déroulement des élections. Pour ça, on doit s’asseoir pour trouver des solutions, peut être utiliser cette carte pour la présidentielle de 2027. Il faut aussi que le fichier électoral soit élaboré avec sagesse« , pointe-t-il.
Eviter les erreurs du passé
Tenant compte de la situation actuelle, analyse Simon Bizimungu, la nouvelle équipe de la CENI devrait d’abord se rassurer que toutes les formations politiques sont sur terrain. « L’espace politique devient de plus en plus verrouillé et une collaboration entre la CENI & tous ses partenaires est plutôt nécessaire pour résoudre les problèmes existentiels ou anticiper des solutions aux potentiels défis. Ceci est aussi valable pour assurer une représentativité des partenaires à tous les niveaux de démembrement de la commission électorale.«
Par rapport aux élections de 2020, la lourdeur administrative quant à l’octroi de certains documents pour les candidats devrait être corrigée, selon Francis Rohero. « C’était difficile de constituer tout le dossier, puisqu’il fallait obligatoirement se rendre à Bujumbura, pour se procurer des papiers nécessaires. Certaines listes n’ont pas été reçues et ça a créé des remous.«
De son côté, Rémy Havyarimana plaide pour la présence des observateurs nationaux et internationaux, de l’enrôlement des électeurs jusqu’au jour de la proclamation des résultats, afin que les prochains scrutins soient crédibles et transparents. Cet acteur de la société civile interpelle aussi « sur les vides observés au niveau des textes légaux lorsqu’il a fallu mettre en place la coalition des partis politiques ou la candidature des indépendants.«
Quid des priorités de la CENI ?
Les activités de la CENI doivent suivre des étapes spécifiques, selon François Bizimana, porte-parole de cette institution. « L’équipe doit d’abord inventorier tout ce qui est nécessaire (les actions à mener et leurs budgétisations) pour élaborer le budget de la CENI, qui devrait etre inclus dans l’exercice budgétaire 2024/2025 », précise-t-il.
L’autre tâche de la CENI consistera à l’éducation civique qui favorise la création d’un environnement socio-politique apaisé pour la tenue des élections, et à la consolidation des valeurs démocratiques (la paix, la tolérance, la coopération): « Pour y arriver, nous sommes en train de disponibiliser les modules de formation qui seront développés à l’intention de différents groupes qui auront été identifiés et à l’intention de toute la population puisque l’éducation civique concerne tous les citoyens. Après, ça sera le tour de l’éducation électorale : informer la population sur les scrutins envisagés au cours de 2025, informer les électeurs sur pourquoi, quand comment, où voter ? mais également nous allons aussi former les agents électoraux, avant de procéder à l’élaboration du fichier électoral.«
Et de conclure : « Avec les résultats du recensement général de la population ou pas, la CENI va organiser ses élections, puisqu’elle collabore avec la population en âge de voter (ayant 18 ans ou plus), et ces personnes-là pour les identifier, la CENI doit faire le recensement des électeurs. »