Jimbere

Kirundi French
Société

Discours méprisant, fort risque d’aboutir à la violence

Les discours méprisants dans un contexte post-conflit peuvent provoquer des affrontements entre membres des différents groupes et conduire aux violences de masse, constate Eric Ndayisaba, enseignant et chercheur en Histoire. Penser le bien commun au-delà de ce qui nous oppose, une des clés pour y mettre fin…

Que peut-on entendre par discours méprisant ?

Un discours méprisant est un discours qui discrimine les autres, qui stigmatise si vous voulez et qui méprise les individus dont on estime différent de nous. Le problème survient et devient plus compliqué et complexe à partir du moment où ce discours méprisant vise tout un groupe, ceux qui appartiennent à un autre groupe qu’il soit ethnique, politique ou autre.

Quelles sont les causes d’un tel discours ?

Si on prend l’exemple de nos pays de la région des Grands-lacs, qui ont connu des crises socio-politiques, des violences communautaires et qui vivent des contextes post conflit où les sociétés sont encore fragiles, la notion du groupe d’appartenance ou des origines très ancrée, peut être la cause majeure de ce type de discours. Dans nos pays, les gens sont encore stigmatisés pour ce qu’ils sont et lorsqu’on se sent méprisé, on se réfugie dans le groupe. Si à un moment donné mon groupe est méprisé, stigmatisé ce sont tous les membres qui se lèvent pour défendre mon groupe coûte que coûte.

Est-ce que nos différences devraient nous pousser à nous mépriser les uns les autres ?

Non, mais à un certain moment, le mépris devient en fait une sorte de stratégie politique, discriminer l’autre, rester sur le terrain politique dans le contexte de mobilisation, dans le contexte de campagne politique, … etc. Dans ce contexte, même la question ethnique est considérée par les uns comme un moyen d’accéder ou garder le pouvoir. Dans ce cas, le discours méprisant devient en fait une sorte de stratégie, bien-sûr, politicienne comme on dit, pour discriminer l’autre, pour l’empêcher de continuer sur le même terrain afin de l’occuper seul et éliminer toute concurrence.

Que peut être le risque si les membres des différents n’ont plus confiance entre eux ?

Le risque est d’aboutir au conflit. Il a été démontré que la violence commence toujours par la (violence) symbolique avant d’être physique. Elle commence par des mots, et vous savez l’importance des mots en termes de mobilisation des masses. Et dans le contexte des sociétés fragiles, des conflits violents, des crises ouvertes ont toujours commencé par des mots, des stigmatisations, des stratégies qui méprisent les autres, qui discriminent les autres. Et donc le risque lorsque les gens ne se font plus confiance, est l’affrontement entre différents groupes qui peut conduire aux violences de masse.

Et quelle est la solution pour qu’il y ait regain de confiance entre membres des différents groupes ?   Pour qu’il y ait regain de confiance entre membres d’une communauté, les gens doivent comprendre qu’ils ont beaucoup de choses en commun par rapport à ce qui les sépare. Ce qui nous appartient en commun par exemple c’est d’être Burundais. Avant d’être même des Burundais, nous sommes des êtres humains. La notion d’Ubuntu, la notion de l’humanité est au-delà de nos différences, au-dessus des compétitions politiques. Comprendre qu’après la compétition politique, après les passions dans les groupes, nous avons d’autres choses qui nous sont chères. Nous habitons le même quartier, nous fréquentons la même paroisse…etc.  Nous avons des amis en commun, … etc. Ensuite, il faut que les leaders soient responsables. Si je suis un leader, je dois peser mes mots, faire attention à ce que je dis parce que les mots ont un sens, du pouvoir.

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top