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Discours dénigrants : le terreau de la violence

Pour se faire passer pour des meilleures personnes, des leaders d’opinions n’hésitent pas à rabaisser les autres dans leurs propos. Acher Niyonizigiye, enseignant du leadership dans différentes universités, met en garde contre cette pratique qui, non seulement peut créer des remous dans leurs propres camps, mais peut conduire à la violence de masse…

Est-ce qu’il arrive que les discours prononcés par les leaders d’opinion se retournent contre eux ?

Oui cela arrive. Lorsque des leaders d’opinion prononcent des discours qui rabaissent quelqu’un ou certaines personnes, il y a toujours quelqu’un qui est mécontent avec ce genre de discours. Et quand les gens ne sont pas contents avec ce que le leader d’opinion a dit, évidemment ils se mettent aussi à le critiquer et à se rendre compte que finalement il n’est pas la bonne personne qu’ils pensaient qu’il est. Cela affecte aussi sa réputation et sa renommée aux yeux de ceux qui l’écoutent. 

Comment ces discours se manifestent-ils ?

Ce genre de discours se manifeste surtout lorsque le leader d’opinion essaye d’attaquer quelqu’un ou un groupe donné de personnes verbalement avec des propos rabaissants, dénigrants et que des gens soient blessés avec ce genre d’approche. Ces gens blessés, régissent d’une façon négative et se mettent aussi à critiquer ce leader d’opinion qui, d’une certaine façon perde de l’autorité à leurs yeux parce qu’il n’a pas pu communiquer d’une façon respectueuse, d’une façon non violente. Je dirais que c’est la manière la plus fréquente dont les discours qui sèment la haine se manifestent chez les gens qui sont des leaders, des leaders d’opinion surtout.

Quels sont les objectifs visés par ces leaders d’opinion en prononçant ces discours ?

Il y a des fois où les leaders d’opinion prononcent des discours qui peuvent provoquer de la haine par colère, par tristesse à cause de quelque chose qui est arrivé et dans ce cas-là, l’objectif est juste d’exprimer sa colère. Cela arrive lorsque le leader ne parvient pas à maitriser ses émotions. Mais il peut aussi arriver que le leader d’opinion prononce des discours qui peuvent semer la haine et se retourner contre lui parce qu’il n’est pas au courant de la bonne façon de communiquer, il est ignorant des bonnes pratiques de la communication pour quelqu’un de son statut. Dans ce cas-là, l’objectif est de communiquer mais cela produira des résultats non escomptés. Le troisième objectif est de se montrer comme une bonne personne en blâmant et accusant les autres, en prétendant que les problèmes viennent des autres et pas de lui. C’est une façon de se blanchir devant le public. Mais même là, si vous avez affaire à des gens qui peuvent analyser ce discours de façon critique, ils se rendre compte qu’il n’est pas celui qu’il prétend être parce qu’on ne montre pas sa grandeur en rabaissant les autres. Si les autres ne sont pas capables comme vous, vous avez le rôle de les aider, de les relever ou de les sanctionner si nécessaire. Ce sont les trois scenarios qui arrivent aux leaders d’opinion lorsqu’ils prononcent des discours qui peuvent semer la haine.

Acher Niyonizigiye: « Il faut vraiment tout faire pour éviter de rabaisser une catégorie donnée de la population»

Quelles sont les conséquences surtout dans un pays post-conflit?

Dans un pays post-conflit, ce genre de discours touche les gens émotionnellement parce qu’ayant vécu de crises de masse, ils ont des blessures émotionnelles qu’ils vivent avec, et lorsqu’ils entendent des propos qui rabaissent un individu ou un groupe de personnes, leurs émotions peuvent être provoquées, la haine peut en être le résultat. Et parfois dépendamment du message communiqué même la violence physique peut entrer dedans. Evidemment avant la violence physique, il y aura toujours la violence verbale. Certains peuvent reprendre ce que le leader est en train de dire et commencer aussi à attaquer d’autres personnes avec les mêmes paroles, ce qui envenime les relations, ce qui crée un climat de méfiance. Et à partir de là, on est vraiment prédisposé à la violence physique.

Quels langages devraient adopter ces leaders d’opinion lorsqu’ils prennent la parole ?

Chaque fois que les leaders d’opinion prennent la parole, surtout dans un contexte comme le nôtre, ils devraient toujours utiliser un langage conciliateur, un langage qui permet aux auditeurs de se localiser dans sa perception de la vie comme un seul groupe. Il ne faut vraiment pas utiliser des paroles qui excluent certaines personnes ou certains groupes. On a vu ce que c’est l’exclusion, ça ne produit jamais de bons résultats. Il faut un langage qui fait comprendre à tout le monde que nous sommes ensemble, une nation, un peuple, nous pouvons nous tenir la main et bâtir un même avenir que nos enfants vont partager. La seconde chose très importante qui doit également guider les leaders d’opinions quand ils communiquent, c’est d’utiliser un langage qui valorise tout le monde. Il faut vraiment tout faire pour éviter de rabaisser une catégorie donnée de la population. Même si ce sont des personnes qui ne sont puissantes au niveau du pouvoir ou de leur capacité financière, il faut toujours valoriser les gens. C’est très important parce que quand les gens se sentent valoriser, ils se donnent corps et âme pour le développement de la nation. Mais quand vous les avez déjà rabaissé dans votre communication, ils se sentiront exclus et ils vont agir comme des gens exclus.

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