Des plateformes pour la dénonciation des crimes sexuels ne cessent de naître dans le monde. Néanmoins, Au Burundi, l’opinion reste partagée quant à l’émergence de celles-ci. C’est le cas de la plateforme burundaise Shareurownstory. Pour, ou contre ?
« Glaçants, poignants, sidérants et révoltants ». Ce sont les mots que l’on trouve en commentaires sur plus d’une des publications de la page Instagram de shareurownstory. Ici, les victimes se livrent dans des récits dont les détails font froid dans le dos. Chaque jour des histoires sont postées. Les unes plus choquantes que les autres. Comme pour attester de l’étendue du fléauː même les bébés ne sont pas épargnés du drame, et le pire, les auteurs de ces abus sont pour la plupart des gens de l’entourage, parents, oncles, cousins, ou domestiques.
C’est dans ce cadre que naît la plateforme Shareurownstory. Résultat d’un ras-le-bol collectif occasionné par des plaintes ignorées et le manque de dialogue dans les familles, comme l’informe le Community Manager de la page. « L’idée est venue après avoir reçu plusieurs témoignages de victimes de violences sexuelles qui n’osaient pas le dire de peur de n’être pas entendus, ou d’être bannis dans leurs familles. Nous voulons que toutes les victimes puissent se confier anonymement sans peur d’être jugées ou moquées », précise-t-il, avant de faire savoir que depuis le début de juillet, ils ont eu plus d’une trentaine de témoignages, un fait selon lui, assez symptomatique quant à l’ampleur du chemin qu’il reste à faire que ça soit en matière de prévention ou d’éducation.
« Dénoncer, comme on le fait sur internet, n’est pas suffisant »
B.M est une psychologue prestant dans l’un des cabinets de Bujumbura. Elle considère que créer ce genre de plateformes est en soit une initiative tout à fait légitime dans le sens où il y a beaucoup de victimes qui sont réduits au silence partout dans la communauté. Pour elle, il y a aussi bien des gens qui commencent à se remettre en cause présentement vis-à-vis de leurs comportements du passé.
Mais nuance-t-elle, elle ne croit pas que les médias sociaux soient la voie la mieux indiquée pour ce genre de dénonciations. « Le fait de partager son expérience sur internet à lui seul ne suffit pas, cela devrait s’accompagner plutôt par des initiatives effectives comme l’accompagnement psychologique de ces victimes. Car après avoir relatée son récit, il peut y avoir des tas des commentaires malsains et accusateurs capables de plonger la victime en rechute ».
Abondant dans le même sens, Darlène, étudiante à l’une des universités de Bujumbura, violée à ses 13 ans admet que trouver une écumoire de sa peine est une bonne chose, mais martèle aussi que la voie des médias sociaux n’est pas la mieux indiquée. « Dénoncer les auteurs de ces abus sur les réseaux sociaux ne guérit pas. Pis, ces malfaiteurs restent potentiellement une menace dans la mesure où ils peuvent se sentir visés par les témoignages. Encore, qui dit que les allégations sont toujours vraies ? Seule la justice peut juger de l’innocence ou de la culpabilité de quelqu’un. Ce genre de plateformes ne peuvent-elles plutôt se muer en des espaces de tribune populaire ? »Avis qu’elle partage avec la psychologue B.M, cette dernière trouve qu’il faut plutôt installer un protocole qui évite de publier des fausses allégations et de vérifier de la véracité des faits relatés.
Face à ces propos, que répond le Community manager de la plateforme ? « La page étant anonyme et n’étant pas un tribunal non plus, notre objectif n’est pas de vérifier que ce que la victime dit est vrai ou pas. Tant qu’aucun nom n’est mentionné c’est bon pour nous. »
Alors, l’internet, est-ce un outil fiable pour dénoncer les viols et autres abus sexuels ? La question reste toute entière.