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L’animalisation, un signe avant-coureur des violences de masse

Certains habitants de la colline Ruhanza, en commune Giheta de la province de Gitega, affirment que les militants des partis politiques se lancent des messages d'animalisation pendant la période électorale.

L’Histoire du Burundi est chargée de tensions politiques et ethniques. Comme si tous les coups étaient permis, les antagonistes dans de tels conflits ne se gênent pas pour se sous-estimer mutuellement au point de virer dans la déshumanisation. Pourtant, les conséquences sont fâcheuses.

Sur la colline Ruhanza, en commune Giheta de la province Gitega, les témoignages des habitants sont plutôt glaçants. Cette localité a été gravement touchée par les crises qui ont secoué le pays.

Egide* (42 ans) se rappelle qu’à une certaine époque, les Hutu et les Tutsi se regardaient en chiens de faïence, ne ratant pas la moindre occasion de se lancer des invectives : « Les Hutu traitaient les Tutsi de cafards, et les Tutsi assimilaient les Hutu aux crapauds. Ces diatribes ont envenimé le climat social, qui était déjà mis à mal par des propagandes politiques ayant précédé les élections et la crise de 1993. »

Dans ce même registre, indique Marcienne* (37 ans), certains militants des partis politiques tombent parfois dans les travers d’ôter la dignité humaine à leurs adversaires en les assimilant aux bêtes ou à d’autres choses maléfiques : « C’est toujours sidérant lorsqu’on entend des chants ou slogans qu’entonnent les jeunes politiquement engagés, véhiculant des propos et messages déshumanisants au vu et au su de tout le monde. »

Une attitude dangereuse

Pour Marcienne, un tel langage d’animalisation influe sur le climat social, en attisant la méfiance et les divisions : « Dans une telle situation, tout le monde est sur le qui-vive, par crainte d’être massacré ou enlevé. Car lorsqu’un individu ou un groupe d’individus est assimilé à un animal, l’étape suivante est son élimination car on ne peut pas continuer à vivre avec un animal. Cette façon de caricaturer les gens en les présentant comme des moins que rien est dangereux et met leur vie en péril. »

Abbé Lambert Riyazimana, enseignant d’université en sciences de la communication et des médias

Enseignant d’université en sciences de la communication et des médias, Abbé Lambert Riyazimana interpelle sur la nocivité des messages d’animalisation. Pour lui, le fait de comparer certains individus à des animaux, à des parties d’animaux, et de manière déshumanisante peut réveiller l’animosité qui gît en chaque personne : « Quand c’est un animal haï, qui risque d’être tué, ça peut réveiller des sentiments de peur. Et quand une personne a peur, elle peut être sujette à des actions irréfléchies, irréversibles, qui peuvent mettre en danger la vie des autres personnes. »

Appel à la raison

Face à ce danger qui guette, cet expert invite à la conscientisation des uns et des autres par rapport aux effets néfastes de la propagation des messages d’animalisation. Abbé Lambert Riyazimana estime que certaines personnes relaient ces messages, amplifient cette violence verbale, sans savoir exactement le désastre que peut provoquer l’animalisation : « Il faut que des autorités politico-administratives, des activistes de la société civile qui ont une certaine influence sur l’opinion, des professionnels de la communication et des médias soient sensibilisés aux effets délétères de ces procédés d’animalisation des personnes, de groupes de personnes. »

Au niveau de l’administration communale de Giheta, les autorités mettent en garde les auteurs de ces messages d’animalisation. Fidel Nizigiyimana, secrétaire exécutif permanent de la commune Giheta, indique que pour décourager ce comportement, l’administration est prête à sensibiliser la communauté sur l’impact nocif de ces messages sur le climat social, et dans le cas échéant, traduire en justice les récalcitrants.

*nom d’emprunt

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