En 2020, le Burundi relève un sérieux problème: le taux de chômage élevé chez les jeunes. Le nombre de chômeurs est trois fois supérieur à celui des fonctionnaires. Inquiet, l’État met en place en 2021 un Programme d’Autonomisation Économique et d’Emploi des Jeunes (PAEEJ). Deux ans plus tard, le Pr Désiré Manirakiza, le Coordinateur et sociologue du développement est fier du pas franchi
« Au cours des deux ans d’existence, dans son volet de formation et renforcement de capacité, 9.982 jeunes ont été formés directement, 81.320 sensibilisés. Nous comptons 2.011 projets déjà financés, toutes catégories confondues. Côté employabilité des jeunes, 2.216 emplois ont été créés (183 au sein du PAEEJ) et 2.028 dans les projets. 23.532 emplois ont été potentiellement créés au sein des coopératives financées, 2.000 stages accordés, dont 1.817 en dehors du PAEEJ et 183 au sein du programme« , martèle Pr Desiré Manirakiza.
Parmi les projets financés les plus prisés par les jeunes : l’élevage de poulets de chair (plus de 500 projets), l’élevage des porcs (près de 300 projets), les projets agricoles (160), l’élevage des poules pondeuses, des lapins, des chèvres et les petits métiers. Toutes les provinces du Burundi sont représentées.
Ceux qui se sont lancés dans l’élevage donnent la raison de leurs choix : «Les animaux de petite taille se multiplient rapidement et, quand on les met sur le marché, ils s’achètent facilement.»
Des bénéficiaires témoignent
Bon nombre de jeunes bénéficiaires du financement du PAEEJ témoignent que leur vie est en train de changer. Les jeunes contactés sont des agriculteurs, éleveurs, fabricateurs et transformateurs de produits cosmétiques.
Serge Kwizera, de la province Ngozi, le souligne : auparavant, son usine de fabrication et vente de détergents en poudre FAJU ne produisait que 400 kg de farine de savon par mois. Aujourd’hui, grâce au financement du PAEEJ qui a permis l’achat de machines, il parvient à produire plus de 5 tonnes durant la même période.
Déo Ntakarutimana a développé une société unipersonnelle dans le secteur de l’agriculture moderne à Bugendana, en province de Gitega. Le soutien de PAEEJ lui a permis d’augmenter son chiffre d’affaires, et le rendement s’est amélioré. Selon lui, les défis auxquels il fait face sont notamment les aléas climatiques, mais aussi le manque de qualité des semences : les multiplicateurs des semences sélectionnées sont peu nombreux et produisent une petite quantité.
Innocent Nyabenda, le représentant de la coopérative Dushazemwihembe de Kayanza qui fabrique des objets d’art, enchaîne : « Avec l’appui du PAEEJ, mon capital a augmenté. Aujourd’hui, je parviens à produire plus pour satisfaire mes clients. Le programme m’a aidé en faisant la publicité de mes produits via les différents medias. »
Innocent souhaite que le Programme puisse organiser des journées d’expositions tant locales que régionales : c’est là une belle occasion de prendre contact avec d’autres artistes, mais aussi d’écouler les productions.
Il faut cependant souligner que, dans certains cas, il manque de matière première, un frein de taille. D’autres jeunes qui élèvent des poulets de chair disent qu’ils n’ont pas de marchés d’écoulement de leurs produits.
Pour répondre à ces inquiétudes, le coordinateur du Programme fait savoir que parmi les perspectives du PAEEJ, la construction d’un grand espace de vente est prévue.
PAEEJ et technologie de pointe
Le Programme veut se positionner comme leader parmi les institutions publiques dans le domaine de la digitalisation. Cinq plateformes sont déjà montées et seront lancées dans le mois.
- La plateforme de suivi-évaluation vient en tête. Desiré Manirakiza l’explique : « D’ores et déjà, lors du suivi-évaluation, nous nous servirons des outils digitaux pour pouvoir suivre de très près le déroulement de toutes les activités.»
- Le PAEEJ-Technopole permettra de gérer et d’encadrer les jeunes de façon digitale. Désormais, on saura combien de jeunes se sont connectés, le nombre de dossiers déposés. Chaque jeune aura son identifiant unique qui va lui permettre de naviguer sur les cinq plateformes. S’il dépose un dossier de demande de financement, il saura par une notification automatique que le dossier est arrivé, téléchargé, envoyé chez les analystes, jusqu’au niveau de la coordination.
- Le PAEEJ-Job se veut fournisseur de main d’œuvre. Ceux qui veulent recruter du personnel pourront voir les profils qui les intéressent. C’est donc une plateforme qui permettra d’établir une connexion directe entre les jeunes demandeurs d’emploi et les entreprises.
- Le PAEEJ-Académie est une plateforme de e-learning pour que le Burundi puisse se situer au niveau des autres nations « Ici, il y aura des appels à formation techniques, pratiques. La cible, ce sont notamment les jeunes licenciés en informatique, mais qui ne sont pas en mesure de constituer un site web, ceux qui sont incapables de mettre au point ou développer des logiciels etc. Des modules seront formulés pour donner des certificats dans des domaines divers.»
- Le PAEEJ Fund, une plateforme de financement participatif.
La plateforme de Coaching Agricole en ligne permettra, quant à elle, de suivre de près les changements de saisons et proposera les cultures nécessitant moins d’eau, selon les données pluviométriques.
Discrimination digitale : quelles solutions ?
Problème : très peu de gens sont connectés à l’internet (taux de pénétration 23,6 % en 2023), encore moins ceux du rural.
Éclairage du coordinateur du PAEEJ: «Des procédures de négociation sont programmées auprès des sociétés de téléphonie mobile pour qu’on accorde aux jeunes du PAEEJ des bouquets spéciaux, moins coûteux, ou que les formations en ligne soient disponibles hors connexion.»
Concernant la question des jeunes dépourvus de terminaux appropriés, Manirakiza précise que la politique en cours permettra d’équiper en outils multimédias tous les centres de jeunes établis dans les 119 communes du Burundi, et qu’ils pourront s’en servir en cas de besoin.