Que dire quand on reçoit la triste de nouvelle du décès de son professeur, son enseignant, son encadreur, son collègue, son ami, si ce n’est que lui rendre hommage. Le professeur Emile Mworoha, décédé le 19 juin 2025 à l’âge de 85 ans est vraiment un monument d’histoire et de culture…
Beaucoup ont connu le nom de Mworoha dans le cours d’histoire à l’école primaire et davantage dès le début du collègue. Plus que cela, moi j’ai eu l’honneur de le voir, pour la première fois, en 2008 alors qu’il se présentait comme enseignant d’Histoire de l’Afrique Ancienne.
A l’époque, tous les nouveaux étudiants le croyaient déjà décédé ! Et pourtant, c’était bien lui, le professeur Emile Mworoha, toujours avec son humilité, sa gentillesse, son humour et son rire. Sa disponibilité, son sens de compréhension, d’écoute et de respect envers tout le monde font de lui un pédagogue, un éducateur, qui n’hésite pas à s’agenouiller pour relever le petit qui commençait à peine à marcher. Je lui avais plusieurs fois rappelé qu’il est notre patriarche à nous tous, et lui répondait toujours par un sourire chaleureux.

On ne le dira jamais assez. Mworoha a formé plusieurs générations d’historiens, d’anthropologues, de géographes et de sociologues, en classe et sur plusieurs terrains. Comment pourrais-je expliquer, par exemple, le plaisir d’avoir Mworoha comme conférencier, loin de chez nous, en France ou au Kenya, comme il m’en est arrivé, plusieurs fois d’ailleurs. Un collègue français m’a un jour dit qu’«Emile a toujours quelque chose de nouveau à raconter en histoire».
Il tirait, me semble-t-il, cette intelligence de son ouverture d’esprit et de son ambition pour l’interdisciplinarité. Il nous avait un jour dit en classe qu’« il est très difficile d’être un bon historien si on n’est pas quelqu’un d’autre ». Faut ainsi rappeler que son œuvre est riche par son approche transdisciplinaire et comparatiste.
En plus, il travaillait sur les sources aussi bien orales qu’écrites, sans oublier l’attention accordée aux vestiges archéologiques. Son intérêt porté aux archives, au musée et aux sites du patrimoine reste sans égal. Cette irrésistible envie du savoir a fait de lui un historien assidu, toujours en éveil pour poursuivre un chantier majeur qu’il avait commencé depuis la fin des années 1960. Il avait un jour dit aux journalistes que le livre, symbole du savoir, est son quotidien.
Il s’agit ici d’un monument qui s’effondre, mais fort heureusement qui laisse de traces, à reconstituer, à vulgariser et à promouvoir. Le professeur pionnier de l’histoire nous laisse une œuvre inachevée quoi que riche, car plusieurs questions non encore tranchées sur la complexité de notre histoire ancienne. C’est alors que je me rendais à la faculté pour enseigner le cours d’Histoire du Burundi et des Grands Lacs dont la très grande partie de la matière est issue des recherches d’Emile Mworoha, que j’ai reçu la triste nouvelle de la disparition de celui-ci.
« Il n’est pas mort car les héros ne meurent pas. Il nous laisse un héritage qu’il faut vite revoir, discuter et échanger », disais-je à mes étudiants alors que nous nous rendions à la bibliothèque centrale de l’Université du Burundi pour toucher et sentir les ouvrages et les articles de Mworoha.
Nous l’avons enseigné de son vivant, nous le référons sans hésitation et trouverons de nouvelles ressources et de nouveaux angles de réflexion pour aller au-delà de son travail, demain ou après-demain. C’est un défi qui nous est lancé: comment perpétuer voire surpasser cet héritage ?
A nous revoir, Mwalimu ! On n’aura jamais assez d’encre et de plumes pour te décrire.




