Appliquée pour favoriser les groupes sociaux jugés mis au ban de la société, la discrimination positive suscite des questionnements qui remettent en cause son efficacité et des propositions alternatives pour palier ses limites.
Il y a à peu près une année, l’Université du Burundi inaugurait l’école doctorale incluant le cycle de mastère. La Faculté des Lettres et Sciences Humaines a eu droit à un deuxième cycle en socio-anthropologie. Sur le test d’entrée, aucune candidate féminine n’a eu la note exigée. La classe ne sera pas exclusivement masculine, pourtant: quatre candidates qui avaient été recalées en première instance seront appelées pour suivre les cours.
Un exemple éloquent de discrimination positive parmi toute une myriade qui s’opère çà et là pour booster la présence de la gent féminine dans les sphères de prise de décision ou autres postes.
Cette politique, bien qu’apparemment taillée pour servir la femme, présente des limites dont les répercussions latentes peuvent avoir des effets pervers. « Le problème que présente ce genre de discrimination est que c’est beaucoup plus un déplacement du problème qu’une solution du problème. La racine du mal ne se trouve pas en amont. Loin de là », nuance Lambert Hakuziyaremye, lauréat de la première promotion du centre de formation post-universitaire en genre et développement Cerepe (Centre de Recherches et de Perfectionnement de Kigobe). Il ajoute : « Il n’y a aucune incapacité originelle qui frappe la femme pour la rendre moins performante que l’homme pour qu’elle soit l’objet de largesses en quotas et cooptation. Il faudrait plutôt s’attaquer à la vraie question : une reproduction normative qui enferme la femme dans des préjugés et stéréotypes réducteurs qui sont un frein à son épanouissement ».
« Nous voulons plus d’équité que de pitié »
« Diplôme y’umukobwa n’umugabo »: une phrase que nous entendons souvent sous un air plaisantin mais qui, au delà de l’humour, est une expression d’une réalité bien ancrée dans l’inconscient collectif, comme le souligne Arcade Arakaza, chercheur en genre au sein du CRDS (Centre de Recherche en Didactique des disciplines et diffusion des Sciences au Burundi). « La socialisation différentielle de la plupart des sociétés offre une vision binaire qui met la fille dans une position de vulnérabilité et le garçon dans celle de virilité, de puissance. La fille donc grandit en intériorisant une personnalité d’infériorité, être ambitieuse relèverait de l’iconoclaste. Corriger cette erreur à cette étape est la meilleure façon que la corriger au sommet », martèle-t-il.
Wakana Monia, représentante de la ligue des femmes libertaires « Ladies of Liberty au Burundi et au Rwanda » n’y va pas non plus par quatre chemins : « On n’a qu’à laisser la femme exprimer librement ses potentialités que le patriarcat mine. Nous voulons plus d’équité que de pitié ». Une position en face de laquelle la vlogueuse et activiste Dacia Munezero préfère mettre un peu d’eau dans son vin. « C’est une arme à double tranchant. Il ne faut ni la réprimander systématiquement, ni l’adouber aveuglément. S’il faut se défaire du stéréotype de la jolie fille souriante et accueillante bonne à être secrétaire ou réceptionniste, il faut quand même qu’il y’ait quelques actions pour bousculer les machos caciques, dans certains cas elle est de grande utilité » , trouve-t-elle.
La question, loin de faire l’unanimité, promet de faire couler de l’encre et de la salive dans cette époque où la thématique du genre est plus que jamais un sujet sociétal récurrent.