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Cuniculture au Burundi : des paroles à l’acte

Du 29 janvier au 04 février 2025, s’est tenue au Burundi, la première semaine dédiée à l’élevage du lapin. Une occasion de souligner les progrès enregistrés par une filière qui se veut de plus en plus professionnelle…

Il y a deux ans, le gouvernement du Burundi se lançait dans la promotion de l’élevage des lapins, sous l’impulsion du Président Évariste Ndayishimiye. Le calcul derrière: profiter du cycle court de reproduction des lapins pour en faire une source de revenus (et de protéines animales) pour les ménages à travers le pays. Le pari, considéré à l’époque d’irréaliste et confié au PAEEJ, fera appel à l’expertise d’Ibidun Farming dans le design de la filière cunicole et l’accompagnement technique.
Bien des mois après, d’importants progrès sont à signaler, dont le dernier en date est l’arrivée fin janvier 2025 de près de 600 lapins reproducteurs de race améliorée importés de France.
Outre cette étape menant au renouvellement génétique de la population cunicole burundaise, le Burundi vient également d’acquérir deux centres naisseurs, l’un à Cibitoke et l’autre à Gitega, avec en réserve près de 3 milliards Fbu alloués à la construction d’autres centres naisseurs et la distribution des lapins à travers le pays.

L’optimisme était donc de mise entre le 29 janvier et le 4 février 2025, alors que le Burundi accueillait plusieurs activités organisées dans le cadre de la première semaine dédiée à la cuniculture. Résumé du Pr Désiré Manirakiza, Coordinateur national du PAEEJ, qui parle « d’aboutissement de toute une trajectoire qui vient de durer deux ans. Pendant longtemps, on a fait de la blague au Burundi en disant qu’on élevait des lapins. Mais c’est maintenant le début réel de cet élevage. »

Des débuts prometteurs

Pr Désiré Manirakiza, Coordinateur national du PAEEJ

Et de donner les chiffres: pour le seul Centre naisseur cunicole de Muyange, à Cibitoke, les 308 lapins réceptionnés vont générer une capacité de reproduction de 8.700 lapins tous les 42 jours, ce qui donne une moyenne de 50.000 lapins chaque année: « Si nous suivons à la lettre l’injonction du Président de la République qui souhaite avoir chaque ménage avec au moins 5 lapins, cela nous donne la possibilité de pouvoir servir annuellement 10.000 ménages. Et si on compte que chaque ménage compte au moins 5 personnes, vous voyez l’impact qu’on aura fait pour ce qui concerne cet élevage. »

Au chapitre des réalisations, annonce le Pr Manirakiza, plus de 180 coopératives ont été encadrées en cuniculture depuis juin 2023, des formations en cuniculture ont été octroyées à plus de 700 jeunes éleveurs de lapins dans les provinces Muyinga et Muramvya, des milliers de lapins distribués. Objectif affiché: améliorer le niveau de vie des Burundais en introduisant l’élevage des lapins comme une activité génératrice de revenus créant en particulier pour les jeunes des opportunités d’emploi.

Muyange et Kibimba, deux centres naisseurs pilotes

Situés respectivement en province Cibitoke et Gitega, ces deux centres naisseurs de lapins ont la vocation de fournir des lapins sur le long terme aux éleveurs burundais et de la sous-région. Blaise Nkuriyingoma, Directeur Général de la société SunguraNet qui gère le Centre naisseur de Muyange, explique: « Nous, comme jeunes, avons pris l’initiative d’investir dans la cuniculture après avoir compris la vision du Président de la République. Le PAEEJ a saisi nos préoccupations et a décidé de nous soutenir. Nous avons mobilisé les moyens à travers différents partenaires, y compris le PAEEJ, et nous avons démarré l’élevage cunicole. Face au faible rendement de nos clapiers, nous avons eu l’expertise d’Ibidun Farming, qui nous a permis d’avoir cette nouvelle race à travers la société française Hypharm. Là où nous mettions 8 mois pour avoir un lapin de deux kilogrammes, il faudra désormais deux mois… »

Cette quête de meilleures races de lapin a également été le souci du Directeur Général du Centre de reproduction des lapins « grands parentaux » de Kibimba, à Gitega: « Nous avons eu des races venant du Kenya, de la Tanzanie… mais nous ne pouvions pas arriver au seuil de productivité voulu faute d’infrastructures adéquates, etc. L’accompagnement du Béninois Aziz Sènan Agossou, fondateur d’Ibidun Farming ainsi que ses partenaires français nous a sauvés. »

Aziz Sènan Agossou présentant les lapins du Centre naisseur de Muyange au Président Évariste Ndayishimiye

Un projet « bien mûri »

Comme le fait savoir Aziz Sènan Agossou du haut de ses 15 ans d’expertise cunicole, « en matière d’élevage des lapins, la génétique ne marche pas seule. Il y a un ensemble d’éléments interconnectés qui mènent à la réussite. Prenez par exemple la température: pour le lapin, le climat idéal doit varier entre 22°C et 28°C. Une amplitude que l’on trouve au Burundi. Quand nous sommes dans des régions comme Gitega, on dit que c’est vraiment le paradis du lapin. »

L’autre facteur de réussite de la cuniculture: l’habitat. Selon toujours l’expert béninois, il faut bannir le bois et les cages en étage: « Le bois est un excellent propagateur des maladies, du fait que l’on ne peut pas le laver, avec des microbes qui s’accrochent, etc. Et quand vous allez en étage, vous créez des problèmes liés à la ventilation. Parce que le lapin se nourrit de trois choses essentiellement. L’eau, l’aliment et l’air. Et quand vous mettez des cages en étage, vous avez forcément des problèmes de maladies. »

La cuniculture, un élevage d’avenir

Le Ministre de l’Agriculture et de l’Élevage Prosper Dodiko salue l’élevage des lapins et y voit un moteur du développement vers l’atteinte de la Vision 2040-2060.
Intervenant lors de la Conférence scientifique du 04/02/2025 dédiée à la cuniculture, il a rappelé que le Burundi attache une grande importance à la filière cunicole: « Lors du Sommet de Dakar des chefs d’État et de gouvernement sur la transformation du secteur agricole en Afrique, le Burundi a présenté deux filières animales, dont le lapin, et deux filières végétales. »

Si l’encadrement d’Ibidun Farming laisse augurer de bons résultats au Burundi, c’est qu’il jouit de l’accompagnement français dans le domaine cunicole, avec une expertise cumulée de plus de 100 ans dans la filière. Ainsi, les cages installées à Kibimba et Mugina viennent des ateliers de Chabeauti, la race améliorée des lapins reproducteurs est issue des fermes de Hypharm, tandis que les aliments ont été produits par Terrena.

Dès que l’on respecte les conditions de son élevage, insiste-t-il, « le lapin est un animal rentable et qui résiste aux maladies. Non seulement il fournit du fumier, il donne également de l’urine utilisé pour fertiliser les champs et protéger des cultures en tant que pesticides naturels. »

Le Ministre Prosper Dodiko, lors de la Conférence scientifique de ce 04/02/2025 clôturant la première semaine dédiée à la cuniculture au Burundi

A côté de « la population qui a répondu massivement à cet élevage », le Ministre Dodiko s’est dit satisfait de la création d’un centre de sélection génétique, unique dans la région, « une opportunité de rayonnement de la filière cunicole burundaise. »

Au-delà de la production d’une viande légèrement moins chère que le poulet ou la viande bovine, l’expert Hervé Gerber de Terrena, spécialisé en aliments, y voit « une opportunité de revenus pour les femmes, car la cuniculture est un élevage qui n’est pas dur physiquement. »

A Muyange, le Président de la République a salué le travail effectué qui a abouti à la mise en place du centre naisseur: « Nous sommes fiers des résultats atteints jusqu’à date. On ne pensait pas progresser aussi vite. » Et d’appeler les experts français accompagnant la filière cunicole burundaise à « former les jeunes pour la familiarisation de la cuniculture moderne. »

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