Les salles de cinéma sont presque inexistantes. Le marché cinématographique est dès lors dirigé vers l’internet et la vente des DVD, pourtant inaccessibles pour la grande majorité de la population burundaise. Il reste pourtant porteur de valeur économique…
Le marché primaire du cinéma, celui des salles, a été monopolistique pendant un bon bout de temps dans la diffusion d’images animées au Burundi. Il ne représente aujourd’hui qu’une part minoritaire du marché du film derrière les autres formes de vente et de distribution : location et vente de DVD, mais surtout les chaines de télévision, internet et téléphonie mobile.
Faxine Uwimana de son pseudo Fanny Lavine, actrice très connue pour une dizaine de rôles joués dans ces dernières années confie : « Jouer dans des films est mon job de tous les jours. C’est grâce à ça que je parviens à vivre et à faire vivre ma petite famille. Je perçois de l’argent comme tout salarié. »
Mais ce n’est pas facile pour autant, précise-t-elle. Entre ceux qui la décourage comme quoi son art ne pourrait lui rapporte assez pour mener une vie décente et ses doutes personnelles, il lui faut, comme ses autres collègues, plusieurs sacrifices pour vivre du cinéma dans un pays où tout le dissuade de poursuivre son art: « On doit travailler sans relâche. Avec assez de détermination, l’argent finit par arriver », relativise-t-elle.
De faible valeur économique, le cinéma reste tout de même une instance de forte valorisation symbolique au Burundi, en tant que lieu originel et unique de consommation collective.
Youtube et autres sources de revenus…
En ces eaux troubles pour les operateurs du secteur cinéma, ceux-ci, pleins d’abnégations, refusent de jeter l’éponge. Ainsi, ils vont jusqu’à créer des associations pour la mise en commun des forces, l’échange régulier sur leur métier, les défis, et les innovations à apporter. C’est le cas de l’Association Bullywood Ivyiza Vyiwacu, ABIV en sigle.
Israël Don Harerimana est le responsable marketing de cet organe, il témoigne sur l’importance que prend la plateforme YouTube pour récolter un minimum de recettes même si un autre problème sérieux s’impose. En effet, cette plateforme ne reconnait pas encore le Burundi. Les créateurs de contenu burundais doivent héberger leurs comptes à l’étranger pour accéder à la monétisation de leurs chaines YouTube. « A la fin nous nous retrouvons à ne récolter que des miettes » se lamente-t-il.
Les droits de télévision, la vidéo à la demande et les services de streaming sont plutôt des sources des revenus de plus en plus importantes au XXI siècle. Mais dans un pays qui comptait en 2019 autour de 1 119 914 abonnés internet (source : ARCT) et plus de la moitié étant focalisés sur le réseau Facebook, l’internet reste de loin la réponse aux problématiques du septième art burundais.
La part des pouvoirs publics questionnée
Israël Don Harerimana:« Nous voudrions faire un plaidoyer auprès des autorités publiques pour qu’ils soient davantage à l’écoute des artistes et ainsi s’employer à apporter des réponses aux défis qui les minent. Comment Youtube va t-il nous reconnaitre si on n’a pas le soutien des instances étatiques ? Comment allons-nous nouer des partenariats avec des maisons capables d’acheter nos films sans l’implication du gouvernement ? Heureusement le FESTICAB (Festival de cinéma et de l’Audiovisuel Burundais) permet dans une certaine mesure aux producteurs locaux de franchir le réseau régional. »
Pourtant, malgré cet environnement marqué par plusieurs défis ABIV ne rêve pas petit. Celle-ci souhaite booster la visibilité du cinéma burundais par l’organisation d’une compétition des producteurs et acteurs de la région de l’Afrique de l’Est qui serait un espace de rencontre, d’exposition et d’ouverture des cinéastes burundais au marché régional. Dans l’esprit de limiter les dépenses faramineuses occasionnées par les tournages et qui ne peuvent être comblées par les retours post-sortie, ABIV envisage de travailler en partenariat avec la Mairie de Bujumbura afin de pouvoir bénéficier des facilités pour la production en vue de limiter les dépenses énormeses d’argent occasionnés lors des tournages. ABIV va-t-elle réussir à faire renaître le cinéma burundais de ces cendres ? Nous leur souhaitons bon vent.