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Christine Ntahe rend hommage aux héroïnes non-chantées de la paix au Burundi

Ce matin du 4 février, celle qu’on surnomme affectueusement «Maman Dimanche» présentait à la Maison de la Presse son recueil de témoignages des mères de familles, de toutes ethnies, qui ont semé les graines d’amour et d’unité, au moment où le Burundi traversait la sanglante crise post-1993. Une inspiration pour les générations actuelles et celles à venir.

L’histoire de la guerre, voire de la paix glorifie souvent l’homme, gommant le rôle de la femme dans les mécaniques complexes de la construction des nations. A la veille de la fête de l’Unité Nationale, Christine Ntahe, journaliste de la RTNB pendant 30 ans, puis au sein de l’ONG Search for Common Ground (SFCG) de 1999 à 2010, a voulu rappeler « l’action de ces inconnues qui ont tant enduré avec la crise sociopolitique de 1993, avant de décider de recoudre le tissu social déchiré en faisant appel à la solidarité féminine ».

Autour de l’an 2000, à travers son émission radiophonique Mukenyezi nturambirwe (Femme garde le courage) de la SFCG, ses reportages la mènent au quotidien vers des témoignages inédits de femmes qui ont rapproché des communautés divisées alors que les hommes avaient, soit pris le large, soit les armes. Frôlant la mort pour aller éteindre le feu de la haine dans les camps de réfugiés, dans les sites des déplacés, réinvestissant le rôle des «Bashingantahe» pour trancher les litiges à Kinama, Kamenge, Kayanza, Mukike, etc… elles affrontent les insultes, la suspicion, le rejet partiel ou total des leurs alors qu’elles tentent d’exorciser le pays des démons aux appétits de sang.

Un travail d’équipe

Marquée par la générosité de cœur de ces héroïnes, la plupart rurales et n’ayant jamais mis le pied dans une salle de classe, Ntahe refuse que leurs actions, leurs noms, leurs visages soient emportés ensevelis par l’oubli. C’est ainsi qu’elle ressasse ses archives, farfouille dans ses « carnets jaunis par le temps », réécoute les émissions passées et accouche ces voix sur une page blanche pour pérenniser l’histoire de ces battantes.
Grâce aux conseils et au ponçage de ces textes par l’écrivain Roland Rugero, le recueil verra le jour au bout de six ans. Sur les 46 témoignages originaux recueillis par Mme Ntahe, Roland ne retiendra que 19 récits, réécrits, contextualisés, illustrés.

Roland Rugero: « Parmi les 46 récits originaux recueillis et consignés par Christine, il fallait choisir les plus représentatifs, et leur donner un souffle littéraire qui parlerait vingt, cent après après les faits »

Pour cela, il s’entourera d’une belle équipe afin de matérialiser le rêve de « Maman Dimanche »: le photographe Arnaud Mugisha et son agence Gwaga vont produire les images illustrant le recueil, les journalistes Jimmy E. Vyizigiro (La Benevolencija), Onesphore Nibigira (Iwacu), Nadine Sahabo (Jimbere) vont respectivement assurer le suivi historique des trames, la traduction en kirundi et la relecture, en plus de l’œil expert de l’historienne et éditrice Christine Deslaurier.
Les associations Sembura et Amahoro en Suisse aideront financièrement dans le travail de réécriture, notamment en facilitant les reportages auprès des héroïnes du recueil encore en vie. Avant que l’Institute for Justice and Reconciliation (IJR) basé en Afrique du Sud ne finance les premières impressions du recueil, en version française.

Des témoignages pour inspirer la jeunesse

Mais pourquoi avoir mis en évidence les portraits des femmes et écarter les hommes ? D’ailleurs, combien de témoignages ce recueil recense-t-il ? Les chiffres, très important, les chiffres!
Aux mille et une questions des journalistes de douze médias présents lors de la conférence de presse de ce lundi, Christine Ntahe rappellera l’urgence « de célébrer le combat de ces femmes qui ont participé à rebâtir le Burundi, tant qu’on a le souvenir et les moyens. » Quant aux statistiques, l’ex-journaliste rappellera que «le seul calcul qui pèse dans ce recueil est celui de l’amour du prochain.»

L’écrivain Roland Rugero insistera quant à lui sur l’importance que de tels ouvrages revêtent pour la jeunesse burundaise: « Les jeunes peuvent être tentés de se dire, à quoi bon lire des textes qui parlent des faits vieux d’une vingtaine d’années, évoquant la mort, la haine, la faim? Nous oublions souvent que le passé détermine le présent, et influe donc sur le futur. » Pour ce journaliste, « les jeunes doivent lire, comprendre les échecs et les combats de leurs parents, pour mieux s’organiser afin de bâtir et vivre le Burundi qui nous arrive. »

Le lancement officiel du recueil est prévu pour ce vendredi le 8 février, en présence de certaines d’entre les braves femmes racontées dans le livre. « Une occasion aussi de solliciter des soutiens pour l’impression et la distribution de sa version en kirundi, car l’ouvrage s’adresse principalement aux Burundais, explique Ntahe. Nous souhaitons le distribuer dans les centres culturels, les groupements des femmes et des jeunes, au nom de la culture de la tolérance et de la paix.»

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