Au site de Kigaramango, plus de 5 000 déplacés, hommes, femmes, enfants, suite aux dernières inondations dues aux crues de la Rusizi. L’hygiène menstruelle n’est pas la plus sacrée des priorités, il y’a plus urgent : chaque jour, trouver quelque chose à se mettre sous la dent …
Province Bujumbura, commune Mutimbuzi. Il est 15h lorsque nous arrivons au site de Kigaramango. C’est un espace dégagé en bas de la RN4 dont la taille avoisinerait celle de deux terrains de football. De part et d’autre, le site est coupé par une rue. La misère détonne à première vue.
Cependant, à l’entrée du site, la présence d’une femme, Jeanne, grillant du poisson sur un brasero, l’air guilleret, à côté d’un semblant de marché, où sont étalés surtout légumes et fruits sur de petites tables, contraste avec la misère du décor.
L’odeur fugitive et délicieuse du poisson accroche. Avec Jeanne, on cause un tout petit peu avant de l’amener subtilement sur ce sujet tabou, l’hygiène menstruelle. On ne tarde pas à trouver que la mine joyeuse qu’elle affiche n’est qu’un subterfuge pour cacher les dures réalités.
« Ici, l’hygiène menstruelle n’est pas du tout une priorité. »
« Vous dîtes hygiène menstruelle ? (Rire gêné). On a d’autres chats à fouetter qu’on n’y attache moins d’importance. » Confie-t-elle, la mine sombre. « Sans installations sanitaires de base, points d’eau et de toilettes insuffisants. Comment peut-on espérer avoir des pratiques saines d’hygiène menstruelle, Comment peut-on faire la toilette intime alors qu’il n’y a vraiment pas de lieu privé à proprement parler ? »
Non loin de là, dans un terrain qui sert de jeux, 7 filles apprennent la danse moderne. Aussi anecdotique que cela paraît être, l’ironie de la situation est que la chanson au rythme de laquelle elles dansent contient ces parolesː « Nitaendelea kutabasamu labda nitasahau shida (Je garderai le sourire peut-être parviendrais-je à oublier les problèmes)».
Sur la problématique, Rénilde, 17 ans, la plus âgée, a son mot à direː « On n’ose pas demander à nos parents des cotex, vu la misère, Nous accusons un manque de produits d’hygiène menstruelle sûrs et propres. Nous nous débrouillons avec des morceaux de tissu et des feuilles parfois, c’est triste », lâche-t-elle, non sans émotions.
Des initiatives ici-là …
Dans cet océan de misère, on souligne certaines initiatives conscientes de la délicatesse de l’hygiène menstruelle en situations pareilles. C’est le cas d’AGB (Association des guides du Burundi) qui s’est rendu à Gatumba le 19 juin pour distribuer une aide matérielle collectée à travers la ville de Bujumbura, laquelle a fait d’une prière, deux coups : la distribution de l’aide s’est accompagnée de séances de formation des jeunes filles du Lycée communal de Gatumba sur la fabrication des serviettes hygiéniques lavables.
Prosper Icoyitungiye, Coordinateur national de l’AGB ː« C’est une période très difficile pour ces jeunes filles. En plus des inondations, il y’a aussi la Covid-19. Mettons à coté qu’il pourrait y avoir rupture d’approvisionnent des serviettes hygiéniques dans les boutiques environnantes, mais c’est beaucoup plus la situation financière de leur famille qui inquiète. Le fait de se sentir sans assistance dans leurs menstrues mine leur sentiment de confiance et d’appartenance à la communauté. Cela représente un obstacle à leurs activités de tous les jours. C’est d’ailleurs, comme nous l’avons constaté, un vecteur d’abandon scolaire et de grossesses précoces car les filles sont le plus souvent acculées à se prostituer pour pouvoir se procurer ces serviettes. »
Et de rappeler la nécessite des produits d’hygiène menstruelle : « Ce sont des articles de première nécessité. Pourquoi même ne pas en distribuer gratuitement, dans de tels cas ? Ici, l’urgence se fait sentir. Soutenir ces jeunes filles et femmes de Gatumba, nous interpelle tous ».