Cette question peut être irritante, ou paraître saugrenue, mais elle n’est pas dépourvue d’intérêt dans le contexte actuel où certains sont tentés d’exagérer les bonnes performances du pays, alors que d’autres sont soupçonnés de gonfler les mauvais chiffres. Le graphique ci-dessous qui montre la performance de l’économie burundaise de 2010 à 2018 illustre cette divergence d’opinions.
Si l’on en croit les chiffres de l’Isteebu, l’institut chargé des statistiques nationales , rattaché au Ministère des Finances, l’économie burundaise a reculé de 0.4% en 2015. La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), quant à eux, avancent une diminution d’environ 4%, la même année. Jusque-là, tout le monde est d’accord pour dire que l’économie burundaise a chuté en 2015. Mais s’agissait-il d’un simple choc politico-économique, et l’économie a par la suite vite rebondi, ou bien était-ce le début d’une longue récession qui persiste à ce jour. En effet, à partir de 2015, les statistiques de l’Isteebu et celles des institutions de Bretton Woods commencent à diverger sensiblement. Qui croire alors ?
S’il est vrai que les données de la Banque Mondiale et du FMI sur la croissance économique du Burundi leur sont fournies par l’Isteebu, ce n’est pas toujours le cas qu’elles sont par après publiées telles quelles. Il y a parfois des erreurs de saisie, des deux côtés, comme cette fois où la Banque Mondiale a publié une croissance économique de 91% au Kenya au lieu de -7%. Mais ce n’est vraisemblablement pas des fautes de frappe à répétition qui sont à l’origine des écarts entre les chiffres publiés sur le Burundi. Une explication plus réaliste est à chercher ailleurs.
C’est un secret de polichinelle que les chiffres sur la croissance économique font l’objet de pressions politiques cherchant à les embellir. Par ailleurs, une étude sur cette problématique a trouvé que les données sur la croissance économique soumises aux organisations internationales sont surestimées par certains régimes. Néanmoins, la manipulation des chiffres n’est pas l’apanage de gouvernements. La Banque Mondiale est actuellement accusée par des experts de fausser les chiffres sur la pauvreté au Rwanda.
In fine, peut-on dire qu’il y a une crise économique au Burundi depuis 2015 ? A chacun son opinion, mais du fait des statistiques divergentes sur le PIB, la question reste ouverte.