Après plus de 2 ans à l’œuvre, l’agence nationale de gestion du stock stratégique alimentaire (Anagessa) peine toujours à honorer le paiement du surplus du maïs. Les cultivateurs ne savent plus où donner de la tête. Le ministère en charge de l’agriculture tranquillise…
« Nos récoltes de maïs nous ont été achetées à crédit par l’Anagessa. Et depuis, nous avons des difficultés pour rembourser les dettes contractées çà et là, sans parler des difficultés pour subvenir aux besoins de nos familles », confie, dépité, un cultivateur rencontré au centre du pays.
Cela fait plus d’un mois que la deuxième campagne de collecte du surplus de maïs a été proclamée par le ministère du 3 au 15 juin, mais le paiement se fait toujours attendre.
Même son de cloche chez X.N., un agriculteur qui explique avoir investi tout ce qu’il avait dans la culture du maïs avec espoir d’un gain conséquent : « Mais lorsqu’on est empêché de vendre sa production sur instruction de l’Etat avec une promesse d’achat avec plus de bénéfice, s’insurge-t-il, et qu’au final elle n’est pas tenue, cela fait mal. »
Comme solution, fait-il savoir, certains agriculteurs essayent de vendre leurs récoltes aux spéculateurs à un prix dérisoire, d’autres, encore réticents préfèrent la garder sur eux avec risque de voir leur production pourrir faute de moyens suffisants de conservation.
Manque criant d’anticipation
Ils demandent au gouvernement, à travers l’Anagessa, de s’activer davantage afin de collecter toute la quantité qui reste, sinon revoir la politique à la libéralisation du marché.
Pour rappel, la mission de l’Anagessa (Agence Nationale de Gestion du Stock de Sécurité Alimentaire) est de trouver des solutions aux problèmes liés à la gestion des récoltes, afin de garantir une réserve alimentaire physique disponible sur place, stabiliser les prix et intervenir en cas de catastrophe.
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Contacté, Pierre Nduwayo, Directeur exécutif de l’Association Burundaise des Consommateurs (ABUCO), n’y vas par quatre chemins. Si l’Etat avait voulu éradiquer la spéculation dans le commerce du maïs qui faisait flamber les prix, estime-t-il, il aurait dû prévoir en avance un budget conséquent : « Il fallait tenir en compte les retombées qu’endureraient les consommateurs une fois cette précieuse récolte mal gérée finit par pourrir, et donc permettre également aux investisseurs qui ont des moyens assurer la collecte de ces grains. »
En outre, observe-t-il, il a ambiguïté autour de la fixation de la marge bénéficiaire par l’Etat : « Les campagnes de collectes sont largement médiatisées, contrairement à celles de revente, et cela suscite des questionnements sur la valeur ajoutée au regard du consommateur. »Or, rappelle ce défenseur des droits des consommateurs, l’Etat n’a que le rôle légitime de réguler le marché pour en assurer l’équilibre.
Risque de maladies
Actuellement, préviennent plusieurs observateurs, il y a une grande probabilité de consommer dans les jours à venir du maïs qui aura été mal conservé avec des conséquences biologiques et un grand impact sur la santé.
En outre, cite toujours ce journal, ces graines développent de moisissures et de champignons toxinogènes comme l’Aspergillus flavus qui produit l’aflatoxine, une mycotoxine cancérogène qui cause des dommages hépatiques, etc
Côté gouvernement, l’heure est à l’optimisme. Si les commerçants achetaient la récolte du maïs à un bon prix, l’Anagessa ne s’en mêlerait pas pour fixer les prix, a rappelé Prosper Dodiko, ministre en charge de l’Agriculture, lors de la dernière émission publique des ministres du 28 juin 2024.
A la question de la régularisation de tous les cultivateurs quant à la collecte de leurs récoltes, le ministre a expliqué que les fonds prévus au départ se sont avérés insuffisants, suite à une abondante récolte : « Ces moyens correspondaient à 25.000T. Mais par après on a vu que la récolte collectée était de 36.000 T d’où le problème de régulariser tous les cultivateurs sans parler d’une autre prévision d’acheter une autre récolte de 35.000 T. » Et de tranquilliser : « Tout le monde sera payé. »