Écrite par l’actrice et slameuse Sheilla Inangoma et mise en scène par Freddy Sabimbona, « Undikazi » est une pièce qui relate la condition du deuxième sexe à la burundaise...
Il est 18h au Scala Bar, « Bunga Bunga » pour les habitués, dans Rohero II, au cœur de la ville de Bujumbura. La salle est à demi pleine. Le décor est prêt, les acteurs aussi. Difficile pour les inconditionnels du bar comme Désiré, de savoir qu’il y a un événement dont le mot de départ est la racine –undi, « autre », en français. Tout d’un coup, ouverture des rideaux: à 18h40, l’auteure de la pièce de théâtre apparaît sur la scène: « C’est l’histoire de trois femmes de générations différentes. Elles n’ont pas de message à vous transmettre. Après vous avoir conté ce qu’elles endurent au quotidien, elles vous interrogent sur leur place dans cette société » lance Inangoma au public.
Les rideaux sont tirés …
D’un côté de la scène, Fidès Niyonzima dans le rôle de ‘maman Rita’ avance lentement et silencieusement au rythme de « Nkoni yera » du groupe traditionnel ‘Lac aux oiseaux’. De l’autre, Claudia Munyengabe et Pepita Mpuhwe dans les rôles de la petite fille et grand-mère avancent au même rythme en « mvutano ». A trois sur scène, elles fixent silencieusement le public pendant environ une minute. Silence de cathédrale: quel sera le premier mot?
C’est Pepita qui brise le silence avec « Gushika ryari tuzoreka ibintu bikaguma gutya ?» (Littéralement, « jusqu’à quand laisserons-nous les choses ainsi ? »). Ce sera le début d’une énumération sans fin, en kirundi, des maltraitances que vit la femme dans une société patriarcale qui a placardé ses droits dans une caisse et jeté la clé au loin. Fidès ou ‘mama Ritha’ parle de viols, d’invectives, d’accusations injustes, de rabaissement de tout genre, le tout sous le fameux dicton de « Niko zubakwa ».
« Le chemin qui reste est long »
Munyengabe prendra la relève pour conter les infortunes des jeunes filles. Il y a l’histoire de sa cousine violée par son frère sous l’œil complice de sa mère. Une façon de prouver que la femme a aussi sa part de responsabilité dans cette condition. Elle évoluera en racontant comment elle est mise sur le marché marital « par ma propre mère, comme si j’étais un fardeau pour ma famille ». Comment elle n’a pas droit de jouer comme ses frères. Elle termine son monologue par un « je ne me marierai pas. Je veux étudier, avoir des doctorats… disposer de ma vie comme bon me semble». Une interpellation indirecte pour celles qui abandonnent leurs rêves sous la pression sociale.
En chœur, comme son auteure l’avait annoncé en prélude, les trois poursuivent avec une série de questions adressées au patriarcat, avant de fermer les rideaux après 40 min sur « Patriarcat, tu n’évolueras jamais en laissant derrière toi la femme ».
Pour les uns comme Kentia, la pièce réveille de mauvais souvenir: « Cela me rappelle la mésaventure de mon amie, engrossée par son copain et délaissée ». Pour les autres comme Floris Rugamba, « la pièce est jouée au bon moment. Il est temps que la société prenne conscience de cette réalité. Il est vrai que le changement ne sera pas automatique, vu que cela concerne les structures sociales, mais petit à petit, la société entière sera conscientisée ».
