La quatrième édition de « Buja Sans Tabou » qui se tiendra en 2020, s’est fixé un audacieux pari : raconter les débuts de la capitale burundaise en revisitant l’histoire des 7 premiers quartiers de Bujumbura. L’aventure commence maintenant, comme l’explique Freddy Sabimbona, directeur artistique du rendez-vous biannuel du théâtre au Burundi
D’abord un bilan de la dernière édition de « Buja Sans Tabou »…
Très positif. Ce fut une grande surprise parce que justement, le défi par rapport à la troisième édition était que le théâtre aille vers les gens, plutôt que le public vienne au théâtre. Le dispositif était une première ici à Bujumbura dans le sens où la scène était plantée dans un bar, « Chez Gérard », une des adresses les plus connues dans la capitale. On avait de l’appréhension, au début. Est-ce que le public allait suivre ? Est-ce que les gens allaient écouter, poser la brochette et suivre des acteurs ?
Quelle a été justement la réaction du public par rapport à cette innovation ?
Les gens étaient contents. Cela sortait de l’ordinaire. La nouveauté a un charme particulier. Nous nous retrouvions dans un nouveau registre, dans un bar, dans un endroit où ils n’ont pas l’habitude de voir un spectacle ou de l’art vivant. C’était intéressant, cette combinaison entre découvrir un peu Bujumbura dans d’autres lieux et sortir de l’habitude ou du confort des zones conventionnelles.
Pourtant, le bar est un lieu de confort aussi, non ?
Effectivement, mais ce confort peut devenir une habitude à la longue. C’est-à-dire il n’y a rien de nouveau si on y va chaque soir : on commande, on picore, on mange, on discute, on ressasse les mêmes blagues, revient sur les mêmes sujets. Mais si l’on arrive à lier du nouveau, de la culture, de la danse, de la scénographie au plaisir d’être dans un bar, cela sort de l’ordinaire et du coup, l’invite parle plus aux gens.
Avec 2020, qu’est-ce que vous nous réservez de bon?
Vu le succès de la troisième édition avec cette formule de théâtre qui va vers les gens, nous nous sommes dit « Allons plus loin, tiens ! Allons jouer dans les quartiers ». Mais en pensant aux quartiers, des questions se posaient : quels quartiers ? Pourquoi choisirait-on tel quartier par rapport à un autre ? Et plus on se posait des questions, plus on cheminait vers la question même de l’existence des quartiers à Bujumbura. Quels ont été les premiers à être construits à Bujumbura ?
Avez-vous pu répondre à ces questions ?
En poussant les recherches, nous sommes plutôt tombés des nues ! Nous avons réalisé que nous ne savions pas l’histoire de la capitale du Burundi. Un choc pour nous qui y vivons. D’où l’idée de monter un projet sur Bujumbura, revisiter la naissance des premiers quartiers de la ville, qui sont sept : Kinama, Kamenge, Bwiza, Buyenzi, Nyakabiga, Ngagara et le Quartier Asiatique, avec sept pièces de théâtre jouées dans ces mêmes quartiers.
Comment procéder par rapport à cette histoire souvent douloureuse, méconnue ? Ferez-vous appel à une expertise historique ? Ou plutôt aux mémoires individuelles ?
L’histoire de Bujumbura est quand même assez sensible suivant certains quartiers, à l’image de ce qui s’est passé au Burundi. Notre idée est que même si nous serons dans l’art, la subjectivité, il faudra rester le plus collé à la réalité. C’est dans ce sens-là que nous allons travailler avec les historiens, les géographes, les écrivains, les auteurs, des metteurs en scène et toutes les personnes qui savent l’histoire de Bujumbura, ses anecdotes, pour avoir et à la fois une dimension historique, humaine et artistique de la ville. Le travail ira au-delà du théâtre, ce sera un rendez-vous de Burundais qui veulent se réapproprier leur histoire et l’écrire eux-mêmes.