Du 5 au 6 décembre 2024, se tiendra à Bujumbura, une rencontre hautement importante qui rassemblera les grands hommes d’affaires internationaux. Les besoins de financements estimés en milliers de milliards soulignent la nécessité d’améliorer le climat des affaires.
L’objet et les points essentiels de cette prochaine rencontre ont été présentés quatre personnalités clés dont Albert Shingiro, ministre des affaires étrangères ; Audace Niyonzima, ministre des finances ; Alain Ndikumana, conseiller en planification économique à la présidence, et Olivier Suguru, directeur exécutif de la CFCIB, lors d’une émission télédiffusée sur le compte de Ntare House.
Selon Alain Ndikumana et Audace Niyonzima, cette réunion représente un tournant décisif pour mobiliser les fonds des investisseurs tant locaux qu’étrangers, afin de financer l’économie et progresser vers la vision 2040 pays émergent et 2060 pays développé. De plus, une banque de projets multisectoriels bancables est établie au profit de tous les intéressés.
Le chef de la diplomatie burundaise et le conseiller à la présidence ont affirmé avoir mené une campagne de sensibilisation dans les 4 coins du monde afin d’inciter les investisseurs potentiels à venir explorer les opportunités d’affaires. Alain Ndikumana précise qu’il est attendu plus de 1 000 participants, y compris des personnalités éminentes, si bien que 300 berlines officielles sont préconisées pour leurs déplacements…
Vers un élan décisif ?
L’atteinte de la vision 2040-2060 implique de grandes batailles, au regard de la situation actuelle. M. Ndikumana décrit l’état des lieux de l’économie burundaise : « Le PIB d’un citoyen burundais est de 350 $ par an, tandis que l’objectif est d’atteindre 2000 $ d’ici 2040, nécessitant une multiplication par 15 ».
Et d’ajouter : « Avec 60 % de la population vivant dans la pauvreté, le chemin vers le progrès semble semé d’embûches ». Et si nous aspirons au progrès, nous devons changer cette réalité.
A cet effet, il a rappelé les piliers importants sur base desquels repose le document de la vision 2040-2060. Il s’agit d’abord de la transformation structurelle de l’économie : « Notre économie tient de l’agriculture à plus de 35 %, 17 % de l’industrie, tandis que le secteur des services frôle 40 %. On ne peut pas prétendre à un progrès durable tant que l’économie est structurée ainsi », défend le conseiller.
Ensuite, la vision 2040-2060 ne peut se réaliser tant que les décisions ne sont pas prises sur base des évidences. Enfin, la maitrise de la population et l’amélioration de son niveau de vie constituent l’élément incontestable de l’atteinte de l’émergence.
D’après Audace Niyonzima, une somme de 85.704.000.000.000 FBU (soit près de 30 milliards USD) est nécessaire pour atteindre ces objectifs. Cela inclut des infrastructures essentielles : routes, aéroports et services publics pour améliorer la vie des citoyens.
Ce ministre rappelle également les sources potentielles de ces fonds : « Les recettes fiscales, les donations des partenaires de développement, mais aussi à souligner la grande contribution des investisseurs privés tant locaux qu’étrangers, qui apportent leurs propres capitaux ».
Quid du climat des affaires ?
Quand on songe à inciter les hommes d’affaires étrangers à investir dans le pays, il faut nécessairement penser à l’ensemble des facteurs conditionnant l’évolution des entreprises. Plusieurs aspects du climat d’affaires burundais sont abordés par Faustin Ndikumana, expert en économie du développement et président du PARCEM. « L’organisation d’une telle conférence en soi est une bonne chose, car ça rentre dans le cadre de la mobilisation du financement extérieur et interne pour la vision 2040-2060, mais une remarque à faire, c’est qu’il ne suffit pas d’organiser une telle table ronde pour que le lendemain l’argent des investisseurs commence à tomber ».
Faustin Ndikumana rappelle qu’un investisseur privé est rationnel et non un aventurier. « Pour investir, il cherche des profits pour son capital ». Ce n’est pas par amour, par sympathie, de relever un pays en difficulté qu’il engage son capital pour investir.
Et de poursuivre : « Un investisseur consulte certains classements, comme celui de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international, sur certains aspects comme l’état de pauvreté, la croissance économique. Il peut consulter le doing business, la liberté économique, la place du Burundi au niveau de la corruption, etc. »
Un futur qui engage
Le Burundi devrait tourner la page sur le comportement des agents de l’État, afin d’intéresser ces visiteurs qui participeront bientôt à la table ronde et qui sont des partenaires potentiels. Alain Ndikumana déclare : « Nous faisons face aux obstacles concernant l’efficacité gouvernementale. » Il ajoute : « Il y a des fonctionnaires d’État défaillants suite à leur incapacité, tandis que d’autres le sont, car étant corrompus, et ces derniers doivent être sanctionnés et remplacés. »
Albert Shingiro aborde également la question de la corruption : « Les Burundais devraient mettre fin à l’extorsion d’argent aux investisseurs étrangers qui cherchent à obtenir des licences de travail au Burundi, car ils sont tous en réseau et se partagent des informations ». Selon lui, cela fait qu’ils risquent de tout ne plus considérer comme une option.
Quant à Olivier Suguru, de la CFCIB, il demande au gouvernement d’accélérer l’adoption des textes d’application des lois votées. Il demande également de ne pas trainer le traitement des dossiers des investisseurs souhaitant contribuer au développement.
Pour Audace Niyonzima, le gouvernement, assure-t-il, s’emploie à créer un climat favorable aux investisseurs, avec des mises à niveau en cours dans le domaine des marchés publics pour corriger les dysfonctionnements liés à l’incapacité. Il mentionne également une actualisation de nombreuses lois obsolètes, notamment celles relatives aux ressources naturelles, à l’énergie et à la justice.