Jimbere

Kirundi French
Education

Réintégration scolaire des filles mères, une cohérence législative s’impose

Bien qu’une ordonnance ministérielle ait établi des règles sur la réintégration scolaire des filles victimes de grossesses non désirées, certaines dispositions se contredisent, et ne sont pas appliquées de la même manière partout. Les acteurs sociaux demandent une révision d’urgence…Le ministère de tutelle appelle à une large consultation.

Lors d’une conférence de plaidoyer organisée par l’ABUBEF en faveur de la réintégration scolaire des filles victimes de grossesses non désirées, ce 2 avril 2025 à Bujumbura, beaucoup ont exprimé leurs préoccupations concernant ces articles, les jugeant contradictoires.

Pour rappel, la légitimité de la réintégration scolaire des filles ayant eu une grossesse, se base notamment sur les articles 16, 17 et 18 de la loi portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre, qui respectivement stipulent que L’école publique ou privée doit prévoir la scolarisation immédiate, dans les sections similaires ou connexes, des élèves victimes des violences basées sur le genre et obligés de changer de résidence ou d’école.

Doivent être également pris en compte, les enfants affectés par un changement de résidence provoqué par des actes des violences vasées sur le genre à l’encontre de l’un de ses parents. Les responsables des établissements scolaires et académiques doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour prendre en charge les écoliers, élèves et étudiants qui sont victimes des violences basées sur le genre.

Et enfin, les directeurs d’écoles ont l’obligation de faire respecter le droit de l’éducation des mères célibataires et prendre des dispositions qui s’imposent pour les protéger contre la stigmatisation et l’exclusion sociale de la part des enseignants, professeurs ainsi que leurs condisciples.

Un traitement à deux vitesses dénoncé

Or, pointent ces acteurs sociaux, les articles ci-haut cités sont contrariés par les articles 27 et 70 de l’Ordonnance Ministérielle portant règlement scolaire qui, respectivement stipulent qu’une fille renvoyée pour une grossesse peut réintégrer dans un autre établissement dès que l’enfant aura au moins 12 mois et au plus de deux ans, munie de l’extrait d’acte de naissance.

Jean Bosco Habarugira : »Nous avons constaté que ceux qui en ont les moyens accèdent directement à une place, mais les défavorisés rencontrent des obstacles. »

Selon Jean Bosco Habarugira, de l’ABUBEF, au cours de leur mission avec des sénateurs dans les provinces Kayanza et Kirundo, ils ont constaté que la disposition permettant la fille renvoyée pour une grossesse de réintégrer l’école dans un autre établissement dès que l’enfant aura au moins 12 mois et deux ans tout au plus, n’était pas respectée et appliquée de la même manière partout.

Cette situation, confie-t-il,  touche les filles démunies, concernées par cette mesure. Cependant, celles qui ont des parents aisés se rendent auprès des directeurs des écoles pour en discuter, permettant ainsi à la fille ayant accouché de retrouver une école sans grande difficulté, même avant que ce délai ne soit écoulé. Ce qui démontre un traitement à deux vitesses : «  Nous avons constaté que ceux qui en ont les moyens accèdent directement à une place, mais les défavorisés rencontrent des obstacles. »

Bien plus, soutient M. Habarugira, à cause de cet article dit lourd, certaines pratiques ou des tricheries comme la falsification de l’extrait d’acte de naissance de l’enfant, s’observent.

A côté de la difficulté de réintégrer l’école, ces filles victimes de grossesses non désirées, font face à l’absence des sections qu’elles suivaient avant de leurs mésaventures. Et de conclure en demandant que les articles contradictoires soient révisés, précisant que le ministre de l’éducation a accepté devant le Sénat le 21 janvier 2025 la création d’une commission nationale chargée d’étudier cette question.

Pour rappel, même si le nombre de grossesses non désirées en milieu scolaires tend à diminuer, les chiffres restent préoccupants car 747 cas de grossesses ont été enregistrés pour l’année scolaire 2023-2024, selon le rapport du ministère en charge de l’Education.

Un appel unanime

Après échanges et débats, les participants ont proposé qu’à l’instar d’un fonctionnaire qui prend quelques jours de congé après avoir accouché et retourne au travail avant que l’enfant n’ait eu 6 mois, que les filles victimes de grossesses non désirées réintègrent l’école dès qu’elles le souhaitent.

En outre, ces participants ont suggéré aussi de réviser ces articles de l’ordonnance ministérielle portant règlement scolaire : l’un stipulant que la grossesse mérite le renvoi pour le reste de l’année scolaire en cours et la réintégration dans un autre établissement l’année suivante, tandis que l’autre stipule qu’une fille renvoyée pour une grossesse peut réintégrer un autre établissement dès que l’enfant aura au moins 12 mois et au plus deux ans, munie de l’extrait d’acte de naissance.

À ce sujet, Jeanine Ihorihoze, secrétaire exécutif permanent de la commission nationale de l’enseignement supérieur du ministère de l’éducation, a répondu qu’un enfant qui naît à besoin de l’affection de sa mère qui l’allaite, car le lait maternel ne peut être remplacé par du lait artificiel, et tout le monde n’a pas les moyens d’acheter ce lait.

Le ministère de l’éducation tranquillise…

Et de rappeler que l’objectif du ministère est de lutter contre les grossesses non désirées en milieu scolaires jusqu’à zéro. Pour que cela soit possible, tous les partenaires concernés par cette problématique doivent travailler ensemble, notamment avec le ministère de la Justice, pour identifier et sanctionner celui qui a causé la grossesse : « Les parents doivent aussi revenir à l’éducation, en montrant à leurs enfants les bons et les mauvais comportements. »

Jeanine Ihorihoze :« Les gens doivent comprendre que les lois ne sont pas instaurées comme des sanctions, mais plutôt comme une mesure de précaution « .

Concernant les dispositions mises en cause, Mme Ihorihoze affirme qu’il ne s’agit en aucun cas d’une punition, mais d’une mesure pour le bien de la fille et de l’enfant qu’elle a mis au monde. » Les gens doivent comprendre que les lois ne sont pas instaurées comme des sanctions, mais plutôt comme une mesure de précaution ».

A propos de la réintégration dans un autre établissement l’année suivante, Mme Ihorihoze a indiqué que cet article a été mis en place en raison des problèmes auxquels les jeunes filles retournant dans leur ancienne école étaient souvent confrontées, tels que le jugement de leurs camarades et des enseignants, ce qui aggravait leurs difficultés. Et de conclure : «  les différents ministères doivent collaborer pour élaborer des lois qui protègent ces filles afin d’assurer la cohérence législative. »

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top