En commune Ngozi de la province de Butanyerera, l’eau potable est devenue un luxe rare. Cette pénurie menace la santé des habitants et attise les tensions dans la communauté…
Chaque jour, sur les hauteurs de Gashikanwa, des familles entières s’engagent dans une course épuisante pour remplir un bidon, parfois au prix de leur santé et de leur dignité. Les points d’eau, rares et disputés, sont devenus des lieux de tension où la solidarité cède la place à la discorde. « Parfois, c’est la loi du plus fort qui règne aux points d’eau. Seuls les plus robustes parviennent à remplir leur bidon, tandis que les femmes et les enfants peuvent passer toute la journée dans la file d’attente et rentrer les mains vides », confie Thérèse*, avec amertume.
Selon elle, les habitants des collines Remera, Gashikanwa et Kivumu dépendent tous d’une unique source d’eau potable, ce qui rend l’approvisionnement particulièrement difficile. « En saison sèche, certains préfèrent aller puiser l’eau dans les rivières plutôt que d’attendre de longues heures au robinet public, où la foule est telle qu’il faut se frayer un passage pour remplir ne serait-ce qu’un seul bidon », confie-t-elle.
Pire encore, déplore Marceline*, habitante de Gashikanwa. Faute de robinets publics en nombre suffisant, certains, impatients, n’hésitent pas à user de leur force pour remplir leurs bidons à tout prix. Une situation qui engendre du désordre et provoque souvent des bagarres. « Il est déplorable de voir des gens agir avec autant d’égoïsme, sans respecter la patience des autres. Les points d’eau sont désormais devenus des lieux de confrontation, où les altercations sont fréquentes, parfois violentes », regrette-t-elle.
Des tensions sociales naissent
Pour Martin*, habitant lui aussi Gashikanwa, la situation actuelle devient de plus en plus ingérable : « Les conflits entre familles se multiplient. Certains voisins refusent de partager l’eau, et ne sont plus solidaires. On sent que la colère monte, et je crains qu’un jour, cela dégénère. »
Jean-Marie Niyonkuru, chef de zone Gahikanwa, regrette que certaines initiatives d’alimentation en eau potable de cette localité n’ont pas été concrétisées jusqu’à présent. Il souligne que certaines collines peinent à faire face à la carence d’eau potable : « Il y’a une ONG qui avait lancé un projet de creuser l’eau des sous-sols et installer des tuyaux, mais on n’a jamais vu ni les robinets, ni l’eau qui coule. »
Selon le sociologue Tharcisse Bimenyimana, la pénurie d’eau peut engendrer des tensions au sein des communautés, voire entre familles voisines. « Certains se plaignent qu’il leur arrive de passer une ou deux semaines sans la moindre goutte d’eau, pendant que d’autres quartiers sont mieux desservis. Ils en viennent alors à soupçonner une forme de ségrégation, même lorsqu’il n’y en a pas », explique-t-il.
Il ajoute que cette rareté crée également des déséquilibres économiques car dans certains ménages qui ont réussi à forer un puit, ils profitent de la situation pour vendre de l’eau à un prix élevé, sachant que la demande est forte. « Cette spéculation devient source de frustrations et de conflits », souligne-t-il.
L’alimentation en eau potable, une priorité
L’expert rappelle que le manque d’eau potable peut avoir de graves conséquences, notamment sur la santé et l’hygiène publique. « Des maladies comme le choléra ou la dysenterie peuvent réapparaître. Dans ces situations, l’État se voit contraint de dépenser davantage pour l’achat de médicaments et la prise en charge médicale, ce qui pèse lourdement sur l’économie nationale et sur les ménages », explique-t-il. Et de conclure : « Il revient à l’État de déterminer ses priorités, et la santé publique doit figurer au premier rang. »
Même constat chez les habitants de la colline Gashikanwa, qui appellent l’administration à trouver une solution durable à la pénurie d’eau potable. Ils plaident pour l’installation de robinets publics sur chaque colline, afin que tous les citoyens puissent avoir accès à cette ressource vitale. Marguerite*, habitante de Gashikanwa, souligne que répondre à ce besoin fondamental permettrait à l’État de « sauver des vies et de prévenir une éventuelle implosion sociale ». Et d’ajouter : « Il est urgent que les autorités prennent la pleine mesure de la situation. L’accès à l’eau potable doit être une priorité absolue. »
*nom d’emprunt




