Le 18 août 2023, alors que la Journée mondiale des peuples autochtones était célébrée à Ruyigi, le Président de la République, Évariste Ndayishimiye, avait fait la promesse d’accorder à chaque famille Batwa un hectare de terre pour l’agriculture. Toutefois, à ce jour, ces terrains ne leur ont pas encore été attribués. Les Batwa de la province Karusi se posent des questions sur ce retard, mais aucune explication ne leur a été fournie…
Eusebie Niyonizigiye, une femme Twa résidant sur la colline Buhinyuza dans la zone Mubavu de la commune Buhiga, affirme : « La pauvreté est omniprésente chez nous en raison de nos très petites parcelles. Nous tentons de les exploiter pour nourrir nos enfants en vain. »
Autrefois, déclare-t-elle, leur mode de vie reposait sur la poterie, mais les membres de cette communauté n’arrivent plus à dénicher de l’argile. Tout ce qu’ils possèdent revient au propriétaire du terrain chef du foyer : « Nous avons écouté les promesses du Président de nous attribuer des parcelles de terre, mais nous attendons toujours. » Et d’insister : « Seule l’agriculture pourrait être notre salut parce que nous n’arrivons plus à trouver de l’argile. »
Elle demande à l’État de leur donner des terrains comme promis, afin qu’ils puissent nourrir leurs enfants et leur permettre d’aller à l’école sans difficultés, car actuellement, ils rentrent chez eux affamés et ne retournent pas à l’école le lendemain.
Quant à Odette Dushemezimana, également résidante sur la même colline, elle précise que ces Batwa avaient été convoqués au stade de Karusi où leurs noms avaient été annoncés, ce qui leur avait donné l’illusion qu’on allait leur attribuer les terrains, mais en fin de compte, rien ne s’est réalisé. Elle raconte : « On nous a inscrits sans qu’on sache comment, ils nous ont dit qu’on allait nous attribuer des terres. » Rien ne s’est matérialisé depuis cette date. La dernière fois que des parcelles leur ont été attribuées, confie-t-elle, c’était sous le régime du feu Président Bagaza dans les années 80.
S’agissait-il d’une déclaration sous les émotions ?

Face à ce retard, Audace Bavakure, porte-parole de l’antenne de l’association UNIPROBA à Karusi, se demande si les propos du Président n’ont pas été prononcés dans un certain état d’émotion : « La problématique foncière présente une certaine complexité. Bien que le Président ait formulé cette promesse, je crois qu’elle a été faite sous l’emprise des émotions. »
Et pour cause, explique-t-il, des visites sur site ont eu lieu, mais jusqu’à maintenant, aucune action n’a été mise en application. La cause du blocage reste inconnue. Cependant, dans la région de Bururi, les Batwa ont bel et bien obtenu des terres : « À Karusi, on est dans l’incompréhension face à ce qui s’est produit. On avait procédé à la mesure de certains terrains, toutefois, le parti au pouvoir y a fait pousser du café. »
Et de conclure son propos en exhortant les Batwa à se tourner vers d’autres métiers tels que la soudure ou la menuiserie, en attendant l’application de la décision du Président, car la poterie qui était autrefois une source de revenus n’a plus de débouché.
L’attribution des terres relève de la politique nationale

Face à la question du retard concernant l’attribution des terres aux Batwa, en dépit de l’annonce présidentielle datant de près de deux ans, Marie-Gorette Benimana, conseillère juridique du gouverneur et présidente du forum des femmes de Karusi, admet que l’administration est consciente de la situation. Toutefois, elle affirme que les Batwa doivent également changer de : « Bien que certains Batwa possèdent des terres, ils n’exercent pas sérieusement l’agriculture. Et même s’ils procédaient à la culture, ils feraient face à un obstacle pour obtenir les engrais en raison d’un manque de ressources financières. »
Et de préciser que la distribution des terrains est du ressort de la politique nationale : « À l’échelle provinciale, nous n’avons pas le pouvoir d’allouer des terrains, c’est une responsabilité qui incombe au ministère de la Solidarité nationale. » En tant qu’autorités provinciales, conclut-elle, nous désirons que les Batwa aient également accès à la terre, cependant nous ne savons pas ce qui a entravé le processus : « Ce que nous pouvons faire, c’est rappeler au ministère ses engagements. »
Contacté, Ildephonse Majambere, porte-parole du ministère de la Solidarité nationale indique que les terrains ne sont pas encore disponibles. Il déclare qu’ils sont encore entrain de les rassembler partout où ils peuvent en trouver.
Pour rappel, le dernier recensement a révélé que le nombre de ménages vivant de l’agriculture dans la province de Karusi s’élève à 80 754, soit 98 % de la population.




