L’ingénieure de vingt-huit ans a remporté l’édition 2018 du Shika Award, une compétition récompensant les meilleures idées entrepreneuriales des jeunes burundais avec son projet sur l’entrepreneuriat écologique.
En 2009, au terme de ses études secondaires en Scientifique A au Lycée du Saint Esprit, la jeune Leila s’envole pour l’Allemagne. Objectif : poursuivre ses études à l’Université de Karlsruhe. La faculté sur laquelle elle jette son dévolu étonne plus d’un. Elle se fait enrôler en… génie mécanique. « Les gens ne me comprenaient pas. Ils me demandaient si j’allais devenir mécanicien et passer le restant de ma vie sous les voitures », se souvient-elle. Souvent perçu comme une chasse gardée de la gent masculine, ce monde de la mécanique la fascine pourtant.
Les débuts au pays de Goethe ne sont pas une douce sinécure. La Burundaise doit s’acclimater au nouveau pays, surtout maîtriser la langue. Côté université, la première année est un véritable cocktail de matières sans spécialisation aucune. Ce n’est qu’en deuxième année que Leila choisit l’option « Énergies renouvelables ».
De la nature, pour la nature et par la nature
Au cours de son cursus académique, Leila Kateferi découvre une multitude de sources d’énergie propres et renouvelables. « Nous agressons l’environnement avec des formes d’énergies hautement nuisibles alors que la nature offre des sources qui n’offensent ni la santé de l’homme ni le milieu dans lequel il se trouve », se désole l’ingénieure qui dresse une longue liste de matières que l’homme pourrait utiliser sans laisser le futur à la merci de très probables calamités naturelles : « L’eau, le soleil, le vent sont par exemples des sources d’énergie de loin plus abordables par leur facilité d’utilisation et leur abondance dans la nature. C’est triste que nous continuions à utiliser de l’énergie qui hypothèque notre bien-être et celui des générations futures. »
Et le Burundi dans tout ça ?
L’étincelle qui ramènera Leila au Burundi jaillit dans sa tête lors d’un cours sur les formes d’énergies utilisées en Asie. Le professeur explique à l’auditoire comment on y utilise des balles de riz comme combustible. L’idée fait tilt. Les Kateferi sont des riziculteurs de longue date. Enfant, la petite Leila trouvait un grand plaisir à accompagner ses parents dans leurs rizières. Sachant le potentiel du Burundi en matière de production de riz, elle peaufine un plan d’exploitation des balles de riz qui, dans la plupart des cas, finissent en cendres. Dans l’entreprise familiale, elle se rappelle avec sourire qui dissimule mal un peu de regret qu’ils devaient payer des personnes pour aller jeter les balles de riz au bord du Tanganyika où les utiliser comme combustibles dans des fours à briques.
De retour au pays, Leila Kateferi n’a pas hésité, en lançant rapidement une entreprise plutôt ambitieuse, la KTF Concept. Son objectif est simple : éradiquer l’usage du charbon de bois communément appelé « makala ». Un produit plus nocif que le public ne le pense : sa combustion, incomplète, dégage des gaz qui détériorent l’appareil respiratoire de ses utilisateurs.
Pour faire de ses rêves une réalité KTF Concept, sa start-up écolo compte vulgariser les braseros utilisant du charbon issu de la transformation des balles de riz et faire du makala un lointain souvenir.
Le coût de la production du makala est inconnu du large public : pour obtenir 1 kilogramme de charbon de bois, il faut 10 kilogrammes de bois. Sachant que 95% des ménages de la capitale en dépendent pour préparer à manger, le produit se révèle être l’une des grandes causes de la dégradation de la nature au Burundi. Une récente étude de trois chercheurs burundais a estimé qu’à elle seule, la population urbaine consomme par an plus de 100.000 tonnes de charbon, alimentant une déforestation massive. À ce rythme, l’étude a alerté : le couvert forestier du Burundi, estimé à 171.625 ha, pourrait disparaître d’ici 25 à 33 ans.