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Société

La démocratie à l’épreuve des promesses non tenues 

Dans un contexte politico-social marqué par des promesses sans lendemain, le fossé entre les paroles et les actes ne cesse de se creuser. Cette situation alimente une crise de crédibilité qui mine la confiance citoyenne, fragilise la cohésion sociale et menace les fondements d’un Etat de droit. Face à cette dérive, acteurs politiques et experts plaident pour un leadership responsable…

‎Les mots de certains leaders ne portent plus comme avant. Parfois, les engagements publics se diluent dans une communication bien rodée, mais déconnectée des réalités vécues. Ce glissement progressif du langage vers l’illusion sème le doute, nourrit la lassitude, et creuse un fossé entre les institutions et la population.

Gabriel Banzawitonde, président du parti APEDR, ne mâche pas ses mots : « Nous sommes face à une banalisation inquiétante de la parole politique. Les promesses pleuvent, souvent irréalistes, rarement suivies d’effet. Certains hommes politiques à la quête des voix populaires promettent la construction d’infrastructures sans même toutefois expliquer les délais de la mise en œuvre et la source de leurs financements. »

‎Même son d’indignation chez Jean de Dieu Mutabazi, président du parti RADEBU pour lui, certains engagements des politiques manquent de réalisme et affectent leur faisabilité sur terrain. M. Mutabazi rappelle la promesse – faite à l’endroit des retraités en ce qui est de la hausse de leur pension – qui est restée lettre morte : « Pendant la période électorale, on a vu des candidats promettre deux vaches pour chaque citoyen burundais, et des réfectoires publics où l’on consommera le repas sans payer. Logiquement, cela est quasi irréalisable si on évalue les moyens que disposent le pays pour concrétiser un tel projet. Par ailleurs, on se rend compte que ce n’est plus la vision qui guide le discours, mais le calcul électoral. On promet sans mesurer, on annonce sans planifier. »

‎Abondant dans le même sens, Emmanuel Ndikumana, expert en leadership, s’indigne que les promesses politiques se multiplient au grand dam des changements concrets : « Aujourd’hui, la pénurie du carburant persiste alors que les dirigeants avaient promis de résoudre ce problème. On constate amèrement aussi des délestages électriques malgré des déclarations retentissantes d’une offre grandissante d’électricité suite à l’inauguration des barrages hydroélectriques. »

Levier des tensions sociales 

Bien plus, déplore cet expert, il s’observe une perte de repères moraux chez certains leaders : « L’honnêteté, la redevabilité, le respect de la parole donnée sont devenus aujourd’hui accessoires. Ce glissement est dangereux, car il alimente une culture du mensonge institutionnalisé. »

‎Selon lui, le désengagement citoyen, la méfiance, et l’affaiblissement des institutions s’installent lorsque les dirigeants ne tiennent pas leur parole : « Quand les mots ne correspondent plus aux actes, la confiance s’effondre. Et les sentiments de frustration et de désespoir montent. Ce climat va sans doute engendrer des réflexes et des attitudes subversifs.»

‎Gabriel Banzawitonde, président du parti APEDR, partage ce constat, mais en souligne les implications plus profondes : « Un discours politique déconnecté de l’action devient un poison lent. Il détruit la confiance, fracture les communautés, et peut même provoquer des violences. »

‎Quand les attentes sont déçues, renchérit-t-il, la frustration se transforme en colère : « Dans ce cas, la jeunesse se détourne de la chose publique, les citoyens se replient sur eux-mêmes, et le tissu social se délite. On assiste à une fragmentation silencieuse de la société.»

La redevabilité, une valeur à préserver

‎M. Banzawitonde appelle à un sursaut éthique en rappelant que chaque discours d’un leader a un poids particulier, et nécessite le concours des experts pour sa préparation avant d’être prononcé en public. « Il faut réapprendre à parler vrai. Dire ce qu’on peut faire, faire ce qu’on a dit. Et surtout, assumer ses échecs. Un dirigeant qui promet sans livrer devrait avoir le courage de démissionner », martèle-t-il.

‎Pour Emmanuel Ndikumana, expert en leadership, les responsables politiques ou administratifs doivent se rappeler que la promesse est une dette. De ce fait, explique-t-il, les leaders doivent peser leurs mots pour éviter des incohérences entre leurs paroles et leurs actes. En outre, insiste cet expert, les leaders doivent cesser de prendre le peuple pour un enfant : « Le citoyen est mature, exigeant, et mérite des dirigeants qui prêchent par l’exemple. Chaque dirigeant devrait être attentif aux desiratas du peuple. »

‎Par-dessus le marché, conseille M. Ndikumana, un leader doit avoir le courage d’être honnête et redevable : « Quand il ne réussit pas à concrétiser ses promesses à temps, un dirigeant devrait avoir l’humilité d’accepter son échec, et de rectifier le tir afin de préserver le contrat de confiance entre les citoyens et leurs représentants.»

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