Avant d’entamer une séquence de reportages sur la condition féminine au Burundi, le Magazine Jimbere a voulu savoir la perception des droits de la femme en milieu scolaire. Les résultats de l’enquête statistique, dont nous publions le résumé, montrent des résultats contrastés
De façon générale, les jeunes burundais, indépendamment du sexe, du niveau académique ou de leur appartenance religieuse, sont au courant des droits des femmes. Ainsi, sur 662 enquêtés, 634, soit 95.8 %, déclarent avoir déjà entendu parler des droits de la femme.
En revanche, cette connaissance est relative, en ce sens que certains droits sont plus connus que les autres. Le droit à la succession, le droit de vivre à l’abri du sexisme, le droit de passer un contrat, le droit à la propriété, les droits parentaux sont les droits les plus méconnus par les individus interrogés.
Cette méconnaissance ciblée n’est pas le fruit de hasard : les droits méconnus sont ceux qui confèrent pouvoir et prestige et sont, par conséquent, des enjeux de lutte sociale. Cette méconnaissance est également liée aux perceptions que les jeunes burundais ont de la femme et de ses droits.
Ainsi, alors que 50,91 % des répondants estiment que les hommes naissent libres et égaux et que, conséquemment, ils doivent avoir les même chances, les mêmes droits et devoirs, 49,01 % ont un avis contraire, et défendent que l’homme est supérieur à la femme et qu’il doit être le seul propriétaire de tous les biens. Il ressort de l’enquête que l’école, la famille et la lecture sont les principales sources d’informations en matière des droits de la femme. Ce résultat offre une piste pour ce qui est des leviers à activer pour la promotion de l’égalité des genres.
Le mariage comme fin en soi
Dans tous les cas, la méconnaissance de certains droits de la femme, qui s’accompagne souvent de leur non-respect, influe sur la place de la femme dans la société et le vivre-ensemble sociétal. Si 70,54% des enquêtés estiment que les filles peuvent et doivent hériter de leurs parents, il reste qu’un nombre important des enquêtés défend que la fille ne devrait pas hériter : 195 individus, soit 29,46 % de l’échantillon, ont cet avis. Les raisons qui sont avancées sont que la fille doit hériter des biens de son mari (63,6%), ou alors que les biens appartiennent aux garçons (16,4%).
De même, 25% de l’échantillon estiment que la femme qui travaille doit remettre son salaire à son époux. Alors que l’on aurait pu penser, en se fondant sur la théorie de la domination, que ces idées sexistes sont celles des hommes, il apparaît qu’elles sont défendues autant par les filles et les garçons, ce qui illustre le rôle interactif dans la construction de la violence liée aux genres.
Ces considérations sur la succession ont un impact majeur sur la condition de la femme, qui est alors obligée d’envisager son avenir et son devenir en rapport avec le mariage.
Or, la frénésie pour le mariage, envisagé comme une fin en soi, est à la base des phénomènes tels que le concubinage, le mariage précoce, les grossesses non-désirées, phénomènes eux-mêmes porteurs d’un ensemble de conséquences qui hypothèquent l’avenir de beaucoup de jeunes filles, et les maintiennent dans la marginalité.
Au regard des résultats de cette enquête, des décisions concrètes devraient être prises :
– par les pouvoirs publics :
> Vulgariser, après leur traduction en kirundi, les principaux textes de lois et instruments internationaux relatifs aux droits de la femme et aux violences basées sur le genre (VBG)
> Organiser des campagnes de sensibilisation dans les communautés pour bannir les stéréotypes à l’égard des femmes et démystifier les pratiques traditionnelles en rapport avec patriarcat
– par les médias :
> Promouvoir les figures de femmes qui ont socialement réussis et d’hommes qui pratiquent l’égalité de genre
> Mobiliser les jeunes autour des programmes d’éducation à l’égalité des genres et aux droits de la personne humaine, en particulier les droits de la femme
> Sensibiliser les familles, surtout rurales, sur la problématique de l’égalité des enfants
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