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EcoCash, mort et enterré ?

Le 24 janvier 2023, l’Office Burundais des Recettes-OBR sort un communiqué sommant les banques et institutions de microfinances de virer, endéans 5 jours, tous les soldes des comptes d’EconetLeo à un compte logé à la banque centrale BRB en guise de remboursement des arriérés d’impôts en Fbu et en USD d’une valeur de plus de 176 milliards de BIF dus à travers son service EcoCash. Un mois après cet ultimatum, où en est-on avec cette affaire ? Le service va-t-il ressusciter ?

C’est comme si c’est déjà mort, confie un super agent qui s’est entretenu avec Jimbere à propos du fonctionnement d’EcoCash, la branche des services financiers mobiles de la société EconetLeo. En outre, au lendemain de la publication du communiqué de l’OBR, il se produit une panique au guichet auprès de tous les bureaux et agences de la société. Autrement dit, seule une et une seule opération est sollicitée : clients et agents détenteurs de la monnaie électronique se pressent tous à retirer leurs fonds pour les garder en monnaie papier. Le service peut s’arrêter à tout moment, s’inquiètent-ils.

« EcoCash est toujours opérationnel »

Contacté sur le sujet, Dr Samuel Muhizi, le Directeur Général de l’Agence de Régulation et de Contrôle des Télécommunications-ARCT confie : « On n’a jusqu’ici pas fermé EcoCash, ce qui signifie que le service reste opérationnel. » «  Malgré, bien sûr, une grande panique de la part des utilisateurs », ajoute-t-il.

Pour Muhizi, cela demande plusieurs étapes pour arriver au point de fermer un service tel qu’EcoCash. « Opter pour un recouvrement forcé des impayés, c’est parce qu’il y a d’autres phases qui ont échoué. Et le fisc dispose des prérogatives pour prendre une telle mesure, surtout que de tels cas sont monnaie courante dans les entreprises. », précise-t-il. Au cas où on arriverait à fermer EcoCash, cela se ferait par voie de communiqué officiel, confie Muhizi.

Qu’en est-il sur le terrain ? Le service en question existe toujours ? L’on est tenté de répondre oui et non.  Et pour cause, tous les agents exerçant le métier de transfert d’argent ne reçoivent plus de clients du service EcoCash.Au lendemain du communiqué taxant EconetLeo de rembourser soudainement sa dette, tous les clients ont immédiatement fait retirer tout l’argent qu’ils détenaient sur les comptes EcoCash. « Bien entendu, nous ne pouvons plus engager notre capital pour offrir un service qui n’a plus de clients actifs », justifient-ils.

Un secteur en piteux essor… 

Si EcoCash, avec sa clientèle d’environ 1,9 millions d’abonnés, n’arrive pas à ressusciter, c’est sûrement EconetLeo qui va directement succomber. Avec de lourdes conséquences sur son personnel en particulier et l’économie burundaise en général. Pari largement possible, même si mauvais. Un expert qui s’est entretenu avec Iwacu estime à sept ans le délai de remboursement de la totalité de la dette, au cas où EconetLeo, en commun accord avec son créancier bien sûr, opterait pour l’alternative de régler sa dette par des tranches de 2,1 milliards de Fbu par mois. Le choix le moins mauvais car pouvant lui aussi empêcher l’entreprise de fonctionner, explique le même expert.

Pour rappel, le 18 août 2022, Smart Burundi a fermé ses portes pour non-paiement de 9 milliards de Fbu d’arriérés d’impôt, dette dont le règlement aurait pu, peut-être, permettre à la société de renouveler sa licence d’exploitation et persister. Un peu plus avant, il y a près de huit ans, Africell Tempo a également fermé ses portes pour la même cause de dettes fiscales.

Actuellement, le secteur des télécoms au Burundi comprend trois sociétés. Parmi ces dernières, l’Onatel (Office Burundais des Télécommunication) accuse aussi un bilan financier qui ne rassure point. Jusqu’au 31 décembre 2020, cette société publique totalisait un montant d’environ 117 milliards de Fbu comprenant une dette envers son personnel de 8 milliards de Fbu…

… mais, « qui reste ouvert »

Au regard de la situation, personne ne doute que le marché des télécoms se monopolise davantage, celui-ci laissant le libre champ à la société de l’armée vietnamienne Lumitel. Cette dernière va-t-elle assurer ? On ne sait jamais. Ce qui est sûr, c’est que le contraire est susceptible de se produire. Une des grandes conséquences du monopole, selon la théorie économique du marché, c’est que l’absence de concurrence donne souvent lieu à un service médiocre.

D’ailleurs, du côté de l’offre de services financiers numériques mobiles, « presque toute la clientèle a vite migré vers Lumicash, le service de mobile money de Lumitel et de plus en plus vers Bancobu eNoti, un service de même nature offert par la Bancobu. », raconte un super agent. Ici, notons que, selon le dernier rapport trimestriel de l’ARCT, le nombre d’abonnés aux services financiers mobiles (5,7 millions en septembre 2022) croît à un taux de 10% chaque trimestre.

Du côté de l’ARCT, Muhizi rassure : « le secteur reste plutôt ouvert à tout nouvel investisseur. »  Va-t-on dès lors voir débarquer de nouveaux opérateurs ? Wait and see. Heureusement que la haute autorité a déjà fait « un bon serment ». « L’Etat ne peut en aucun cas favoriser l’enrichissement d’une poignée d’hommes d’affaires au détriment des millions de Burundais » a déclaré le Président à l’occasion de la journée du contribuable édition 2022, rappelez-vous !  

« A voir le capital avec lequel ils ont débuté comparativement à celui du moment, celui-ci devrait être multiplié par 1 million voire plus. Je vais bombarder tous les non contribuants avant de les remplacer », ajoutait Evariste Ndayishimiye, tout en regrettant que Smart Burundi a dû ne pas renouveler sa licence pour cause de non-paiement d’impôts. 

Mais qu’est-ce qui ne va pas dans le secteur ?

Dans une ancienne publication sur son mur Facebook, EconetLeo se proclame le plus grand contribuable au Burundi pour avoir payé plus de 23,2 milliards de Fbu d’impôts sur la période d’octobre 2014 à juin 2015. Mais pourquoi ne pas garder le cap ? « On choisit les meilleurs contribuables en fonction de différents critères fixés annuellement. Et, malgré tout, le meilleur contribuable au cours d’un exercice donné peut se comporter mal et devenir défaillant pour la suite », a réagi Stany Ngendakumana, directeur en charge de la communication à l’OBR.

Deux entreprises qui ferment et 2 autres agonisantes dans un intervalle de 10 ans, cela suscite évidemment des questions sur la santé du secteur des télécoms au Burundi. Comment des arriérés d’une société peuvent-ils s’accumuler et rester impayés pendant une période de près de 10 ans ? Stany Ngendakumana y répond par un : « Allez demander à la société concernée. » Cependant, des sources qui ont parlé à Iwacu révèlent que le montant de la dette se serait cumulé suite aux pénalités de 5% appliquées chaque semaine au restant dû de la dette depuis plus de huit ans.

Pour Samuel Muhizi, les facteurs qui expliquent la défaillance de plus en plus observée des télécoms envers le fisc sont à être recherchés séparément au sein de chacune des entreprises concernées. La question est épineuse alors que tous les indicateurs sont en bonne évolution. A part les abonnés qui augmentent, le nombre moyen des transactions de dépôts, transferts et retraits (10.290.164) croît au taux de 11%, les revenus se sont améliorés de 18% entre le deuxième et troisième trimestre 2022, etc.

Du côté d’EconetLeo, c’est le grand silence sur le sujet EcoCash. A l’autre bout du fil et durant moins de 30 secondes top chrono, Christine Ndayizeye, la Directrice Commerciale, nous a lâché : « Le message reste le même que celui du communiqué sorti le 27 janvier. EcoCash reste fonctionnel », avant de raccrocher.

Au lendemain de la publication du communiqué de l’OBR, Nepias Njaravaza, DG d’EconetLeo, avait annoncé que les négociations avec le Gouvernement avaient déjà débuté. Un mois plus tard, le verdict est toujours attendu. Les parties arriveront-elles à trouver le juste milieu pour recouvrer les impayés sans que la société ne s’éteigne, l’avenir nous le dira.

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