Ils sont jeunes, de plus en plus jeunes. Ils commencent à travailler vers seize ans, voire moins. Ignorants, tâtonnant, ils se retrouvent souvent confrontés à l’exploitation sexuelle (surtout pour les bonnes), et toutes formes d’abus de pouvoir. Ainsi, point d’intimité : les employeurs se sont arrogés le droit de fouiller dans leurs affaires quand bon leur semble. A la moindre maladresse, ils sont à la merci d’une brutale taille dans un salaire déjà bien maigre, ici pour compenser un verre cassé, là pour remplacer une chemise ravagée par un fer-à-repasser trop chaud.
Les plus nantis ne sont plus les seuls à s’offrir les services des domestiques. Chacun selon ses revenus ou moyens, se permet désormais d’embaucher quelqu’un(e) pour s’occuper des taches ménagères. Et malgré la naissance d’associations des domestiques, dans la capitale ou à l’intérieur du pays, le statut du personnel de maison n’a bénéficié d’aucune amélioration notable.
Les domestiques n’ont presque pas de temps libre. Ils sont constamment à la disponibilité de leur employeur. Même pour de brefs moments de loisir, ils doivent s’en remettre au bon vouloir des « boss » et autres « patronnes » auxquels il faut demander la permission de « sortir ». Ce qui n’est que rarement approuvé, en dehors de la demi-journée du dimanche « pour la messe ».
Le « boy », ou la « yaya », est le premier à se réveiller, et le dernier à se coucher.
Et aucune loi ne le/la régit. Ni protection sociale, ni salaire minimal, rien.
Phénomène social, la domesticité au Burundi ressemble à s’y méprendre à de l’esclavage moderne. Souvent négligée, peu étudié, jamais réellement dénoncée, elle mérite pourtant toute notre l’attention. Ne fut-ce que par l’ampleur démographique : selon l’Association des Travailleurs Domestiques, ils sont plus de 70 milles garçons et filles qui travaillent dans les ménages de Bujumbura. Plus de 6.000 dans la seule ville de Ngozi.
Dans ce numéro, l’historienne Christine Deslaurier nous offre d’ailleurs une intéressante perspective historique et comparée du sujet, au Burundi et en Afrique.
Et puis, il y a un impératif moral à parler de nos Abakozi (« travailleurs », en kirundi) : sensibles aux récits de violence qui saturent au quotidien nos canaux de communication, nous sommes tout autant coupables de cécité face aux mille et une injustices qu’endurent ceux-là même qui cuisinent pour nous, gardent nos enfants et lessivent nos draps.
Une vie de boy, donc. Jimbere se propose de faire du Ferdinand Oyono « made in Burundi »…