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Afflux des réfugiés congolais : le Burundi dans le dur

Plus de 40.000 congolais répartis dans 6.000 familles sont entrés au Burundi entre le 12 et 19 février suite au conflit en cours à l’est de la RDC. Depuis, les conséquences s’observent sur plusieurs plans. Le point.

19 février. Martin Niteretse, Ministre de l’intérieur, au sortir d’une réunion visant à trouver des solutions aux problèmes rencontrés par ces Congolais, avec les représentants de leurs pays et des organisations internationales présentes au Burundi, en collaboration avec le ministère des affaires étrangères, annonce la présence de plus de 40 mille réfugiés congolais.

Dans la foulée, il déclare la mise sur pied du dispositif d’accueil pour ces réfugiés : « L’eau, les médicaments, la nourriture, l’hébergement et toute autre aide humanitaire promise depuis le 17 février par les différentes organisations internationales sont en cours de mise en œuvre. »

Martin Niteretse, le ministre de l’intérieur : »L’eau, les médicaments, la nourriture, l’hébergement et toute autre aide humanitaire promise depuis le 17 février par les différentes organisations internationales sont en cours de mise en œuvre. »

Et de préciser : « Ils continuent d’arriver. Nous avons déjà accueilli entre 25 000 et 35 000 personnes à Rugombo, dans la province de Cibitoke, et plus de 5 000 personnes à Gihanga, dans la province de Bubanza. »

Face à cette arrivée en masse et l’exiguïté des lieux, le ministre avait déclaré qu’ils vont commencer à les déplacer vers la province de Rutana, dans la commune de Giharo, sur le site de Musenyi. Et d’annoncer que « Conformément à la loi du 5 novembre 2021 régissant les migrations au Burundi et à la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, le gouvernement du Burundi accepte d’accueillir ces réfugiés. »

Pour réussir cette mission, le ministère a mis en place une équipe chargée de leur suivi quotidien afin de les protéger et de répondre à leurs besoins. Cette équipe collaborera avec l’UNHCR, l’organisation chargée de la prise en charge des réfugiés.

Une aide d’urgence sollicitée

Le ministre a lancé un appel aux organisations opérant au Burundi pour qu’elles fassent leur part pour soutenir ces réfugiés. Il a aussi demandé aux Burundais de les accueillir avec un cœur plein d’amour. Il a toutefois exhorté les Burundais à rester calmes et à ne pas se laisser influencer par des informations effrayantes qui circulent sur des plateformes sociales telles que Facebook, Twitter, WhatsApp, YouTube, car la situation sécuritaire dans le pays reste stable, et ils doivent veiller à la préserver.

Un afflux  massif observé également en provinces

A Ngozi, 500 réfugiés en provenance de la République Démocratique du Congo vont s’ajouter aux 9 000 déjà présents dans le camp de réfugiés de Musasa.

Des sources opérant dans ce camp, confirmant que ces 500 réfugiés qui résidaient dans les villes de Bujumbura, Muyinga et d’autres localités, sont en train d’être réinstallés dans ce camp.

Selon ces mêmes sources, depuis la semaine dernière, la police et les autorités en charge de la sécurité ont arrêté toute personne, même si elle possède un permis de séjour considéré comme un acquis de droit qui permettait de vivre en dehors du camp.

Les responsables du camp de réfugiés de Musasa ont refusé de faire des déclarations sans un document officiel des autorités en charge des réfugiés.

Quid des conséquences de cet afflux ?

Les combats à l’Est de la RDC entre le FARDC et le M23 ont non seulement poussé ces milliers des congolais à fuir leur pays, mais ils ont également une incidence sur l’activité économique surtout dans différents marchés de la capitale économique Bujumbura.  Et pour cause, le nombre de Congolais qui faisaient leurs courses au marché dit « Kwa Siyoni » a diminué de plus de 70%.

Les vendeurs des légumes au marché de Sion.

Situé dans le quartier de Ngagara, dans la ville de Bujumbura, ce marché était un endroit où l’on pouvait voir un flux constant de Congolais avec des véhicules de transport qui les ramenaient chez eux le soir. Mais tout a changé. Même le parking réservé aux véhicules en partance vers Uvira et Bukavu  autrefois saturé, est maintenant vide.

D. K., Un des commerçants dudit marché confie : « Depuis la semaine dernière, le nombre de clients a chuté de plus de 70 %. Nous avions l’habitude de recevoir beaucoup de Congolais qui venaient acheter et emporter des marchandises vers la RDC. Mais maintenant, les affaires tournent au ralenti car ils ne viennent plus acheter. »

Concernant les prix, rien n’a changé, mais les Congolais résidant déjà au Burundi viennent encore acheter, bien que la plupart restent chez eux par crainte d’être arrêtés et envoyés dans des camps de réfugiés.

La hausse inquiétante des prix des loyers

Les plaintes concernant l’augmentation des loyers dans la ville de Bujumbura, notamment à cause de la présence des Congolais, ont commencé à se faire entendre dès 2024. Les loyers dans la ville de Bujumbura continuent d’augmenter de jour en jour. Par exemple, une chambrette qui, en janvier 2024, était à 100 000 BIF, ne dépassait jamais les 50 000 ou 60 000 BIF auparavant. Quant aux appartements de 2 chambres avec salon, les prix variaient entre 250 000 et 300 000 BIF dans les quartiers périphériques de la ville, tandis que dans des quartiers comme Bwiza, Nyakabiga, et d’autres proches du centre-ville, les prix oscillaient entre 350 000 et 500 000 BIF.

Actuellement, la tendance est à l’augmentation continue des loyers. Les propriétaires augmentent les loyers comme bon leur semble, arguant que si une personne refuse, une autre peut payer. Certains affirment : « Si tu ne peux pas payer, laisse la place à quelqu’un d’autre qui peut« . Et malgré ces hausses, il n’y a eu aucune amélioration des maisons ou des services offerts.

Dans un témoignage, une personne raconte : « Je vis dans un appartement de 3 chambres, un salon, une salle de bain, une chambre de service et une cuisine. J’ai commencé à payer 700 000 BIF il y a 2 ans. Mais à mi-2024, le loyer a augmenté de 300 000 BIF, et je paie maintenant 1 000 000 BIF. À la fin de 2024, ils m’ont dit que je devrais payer 1 700 000 BIF, prétextant que les prix continuent d’augmenter et que l’argent perd de sa valeur« .

Un autre locataire raconte : « Je ne sais plus quoi faire et je commence à chercher un autre endroit pour déménager. Mais partout où je vais, on me demande au moins 2 millions, et souvent une avance de 6 mois. Alors j’ai préféré rester dans cet endroit, en attendant qu’une solution vienne« .

Image qui montre une vue panoramique d’une ville de Bujumbura

Un des propriétaires de logements dans la ville de Bujumbura explique : « Tout cela est causé par la dévaluation de la monnaie burundaise. Mais pour un Congolais, qui utilise sa propre monnaie, donc en dollar, ce montant paraît dérisoire. Quand je leur dis qu’ils doivent payer 2 millions, pour eux c’est bien moins cher. Ils voient cela comme un prix presque symbolique, comme si c’était gratuit« .

À ce sujet, Martin Niteretse, ministre de l’Intérieur, a déclaré lors d’une conférence de presse le 17 février 2025 : « Nous ne pouvons pas les expulser, sauf en cas d’infraction. La solution, c’est de construire plus de logements car la demande est forte, mais avec des offres limitées, donc les prix continueront d’augmenter« . Il a ajouté : « Cela ne veut pas dire que les Congolais sont responsables de cette situation, car les loyers augmentaient déjà bien avant, même avant la guerre en RDC. Nous devons accepter cette situation, car ils apportent des devises au pays  biens de consommation. »

Coup d’arrêt chez les transporteurs vers la RDC

À l’endroit où les véhicules en provenance du Congo transitent sur ce même marché, nous avons constaté que l’aire de stationnement est vide, il n’y a pas de mouvement de personnes ou de véhicules. Les conducteurs de ces véhicules sont sans activité, faute de clients.

Les chauffeurs qui transportent habituellement des passagers ou des marchandises entre les deux pays ont expliqué que désormais, tout véhicule sans la plaque congolaise est interdit de traverser la frontière, alors que de nombreux véhicules opérant à ce poste-frontière ont des plaques burundaises. Pendant ce temps, ceux qui arrivent de la RDC sont immédiatement confrontés à des contrôles où les véhicules attendent pour les envoyer dans les camps de réfugiés. Selon les chauffeurs, la guerre qui fait rage en République Démocratique du Congo les affecte profondément, car ils n’ont plus de travail.




Article coécrit par Emmanuel Ndagijimana, Willy Frid Irambona et Olivier Manirambona

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