Infirmière de carrière et de formation, Emelyne Sanganirwa a eu, depuis longtemps, envie d’adopter un enfant abandonné. Elle vient de réussir son pari même si tout n’a pas marché comme sur des rails… Récit
Un petit matin d’avril 2020, Emelyne Sanganirwa voit un message dans un des groupes WhatsApp dont elle fait partie. Un bébé abandonné a été découvert et se trouve au chef-lieu de la zone de Ngagara. Elle veut adopter cet enfant mais le souvenir d’une mauvaise expérience antérieure freine ses élans : en 2004, elle a voulu en adopter un mais un refus lui a été opposé parce que, devinez…elle était célibataire. Une décision dont elle n’a pas toujours compris la logique.
Par peur de revivre la même expérience, elle choisit de procéder autrement en demandant à une amie de faire des démarches de récupération de l’enfant à sa place. Cette fois-ci tout ira comme sur des roulettes : la garde de l’enfant est accordée à son amie qui va à son tour transférer l’enfant à sa charge : Comme dans un rêve et toute contente, elle accueille la petite fille dans sa vie et la nomme Abigaël.
Le début d’une bataille
Mais elle est loin de se douter qu’elle va devoir livrer le combat de sa vie. Elle doit faire face à l’hostilité des proches et de l’entourage face à cette adoption qui des fois vont jusqu’à lui demander d’abandonner le petit bébé: « La laisser seule m’était insupportable car j’avais l’impression qu’elle était abandonnée une seconde fois. »
Au travail, Emelyne n’est pas traitée comme les autres mères puisqu’au regard de la loi, elle n’a pas donné naissance, et donc elle n’a pas droit par exemple à la pause accordée aux autres mères pour allaiter. De plus, Abigaël ne peut pas bénéficier de sa couverture médicale. Une épine de plus dans le pied pour celle qui a payé le prix cher pour être maman.
Dans son entourage, la situation n’est pas non plus facile. Certains tentent de semer la zizanie entre elle et d’autres enfants dont elle s’occupe : « Ils leur racontaient que j’allais les abandonner à cause d’Abigaël. » D’autres comme les membres de sa famille interdisent carrément à ses neveux et nièces de lui rendre visite à cause de la présence d’Abigaël.
La victoire après une longue attente
A côté de tous ces défis, Emelyne Sanganirwa se sent désarmée face à la loi burundaise du 28 avril 1993 portant réforme du code des personnes et de la famille qui stipule, pour ce qui est de l’adoption, que tout demandeur doit élever l’enfant abandonné pendant au moins une année, ensuite le signaler comme ayant été rejeté, ce qui peut prendre 3 mois : « C’est seulement à partir de ce moment qu’une demande d’adoption légale est introduite, ce qui peut durer encore 6 mois. »
Toutefois, il en fallait plus pour décourager l’infirmière. Elle tient bon, prend le soin de respecter scrupuleusement toutes les étapes et finalement ses efforts paient. Début janvier 2022, l’Etat Burundais la reconnait légalement comme la maman d’Abi : « Je peux désormais procéder au changement d’extrait d’acte de naissance de mon enfant, ce qui lui permettra de jouir de tous ses droits. »
Et de conclure en demandant à l’Etat de tout faire pour revoir cette loi afin d’en réduire la rigidité et la rendre plus praticable pour le bien de centaines d’enfants qui sont abandonnés ou qui sont orphelins : « Ce processus a duré presque 2 ans. Imaginez l’attente et la peine des parents qui veulent adopter. »