Le 23 juin de chaque année, le monde met à l’honneur les veuves. Au Burundi, les dures réalités de ceux qui perdent leurs conjoints peuvent différemment être racontées. Mais la souffrance est, la plupart des fois, le dénominateur commun. Voici le triste destin de Claudine Nkunzimana, devenue veuve à 28 ans, avec 3 enfants à sa charge.
Elle se marie en 1989, à 23 ans. A cette époque, Claudine, jeune citadine, est une vraie reine de beauté. Son mari, un politicien émergent, ne voit rien d’autres en elle que la femme au foyer. Elle fait vite des enfants, car, voyez-vous, c’est sa première mission.
1994. Le Burundi est en pleine crise socio-politique. A peine 5 ans au foyer, Claudine a déjà 3 enfants, deux garçons et une fille. Un bon soir, un coup de téléphone la réveille. Son mari vient d’être assassiné alors qu’il rentrait tard d’une réunion. Claudine n’en croit pas ses oreilles.
Elle reçoit par la suite des appels des condoléances qui finissent par la convaincre que ce n’est pas un mauvais rêve, mais une vraie tragédie qui vient de s’abattre sur elle. Du jour au lendemain, elle se retrouve veuve, vouée à elle seule, responsable d’une famille en pleine crise sanglante où chacun veut sauver sa peau.
Les premiers jours lui sont très pénibles. Les enfants pleurent souvent sur fond des bruits des explosions des grenades ici-là. Un bon jour, elle décide de fuir le pays, et trouve refuge en RDC. Elle vit la pire des misères de sa vie. 3 ans plus tard, elle retourne au pays, aidée par sa famille.
Elle, qui n’avait jamais exercer un métier, a du mal à nourrir ses enfants. Non plus, elle ne peut pas recourir aux biens de son défunt mari, car, elle s’est heurtée à la farouche opposition de sa famille. En effet, le fait qu’elle ne partageait pas l’ethnie avec son défunt mari, a empiré les choses.
Il ne lui restait pas beaucoup de choix. La seule option, valoriser et exploiter sa beauté physique et son pouvoir de séduction. Elle commence à entretenir des relations pour de l’argent. Les enfants mangent alors à leur faim. Le sourire revient dans la famille. Mais, rapidement un autre problème pointe à l’horizon. Après une année, elle tombe enceinte de son voisin qui assurait secrètement les dépenses quotidiennes.
Elle est démasquée, et c’est le retour à la case départ. Désemparée, Claudine décide de quitter le pays pour aller loin, tellement loin pour se refaire une nouvelle vie, une nouvelle identité. Elle laisse derrière elle sa progéniture.
Que disent les experts sur la gestion de la disparition d’un conjoint ?
Les cas comme ceux de Claudine sont malheureusement nombreux, c’est la loi de la nature, comme le fait savoir le psychologue Alain Hatungimana. « De tels décès, quand la personne veuve ne s’y est pas encore préparée, entraînent des conséquences parfois irréversibles. Il y’a rien de compréhensible que de perdre contrôle après le décès d’un conjoint. »
Cependant, puisque la vie doit continuer tant bien que mal, Hatungimana propose quelques solutions : « Il faut d’abord assumer le départ du défunt, accepter la tragédie. Ensuite, il faut se préparer au bouleversement, à la désorganisation, pour qu’au fur du temps la reconstruction puisse se faire. ».
La théorie étant parfois éloignée de la pratique, il conseille aux personnes en détresse de trouver comment occuper leurs journées déstructurées par la disparition d’un conjoint. Si possible, s’engager dans des activités associatives et s’investir davantage. A ce sujet, disposer des centres d’intérêt personnels constitue des atouts pour trouver une occupation qui limite les moments où l’on se retourne sur son propre malheur, indique le psy.
Du point de vue de la sociabilité, il indique que la situation des personnes veuves apparaît très variée. Selon lui, « certaines sortent peu de chez elles et ont une sociabilité réduite, d’autres sont essentiellement tournées vers les relations familiales. D’autres encore développent des activités extérieures qui sont l’occasion de nouer des relations nouvelles. »
En somme, ajoute-t-il, trois phénomènes guident la dynamique des liens sociaux après le décès du conjoint : le repli sur soi, le soutien social et la création de nouvelles relations privilégiées. Cependant, le repli sur soi est contrebalancé par le soutien social que reçoit la personne qui devient veuve. Il importe de ne pas avoir une conception trop mécaniste de ce soutien, dans laquelle la personne aidée ne serait que le bénéficiaire passif de la sollicitude d’autrui, mais de considérer la personne aidée comme active, et se saisissant ou non de l’aide qu’on lui apporte, pour réorganiser son existence et lui redonner un sens.
Sur ce, certains soutiens semblent plus nocifs que bénéfiques, comme lorsque la personne en deuil se sent incomprise par ceux qui cherchent à l’aider ou se retrouve dans une situation de dépendance mal supportée.
