La campagne nationale d’élevage des lapins telle que inscrite dans la politique nationale du Gouvernement burundais bat son plein. Dans un reportage en provinces de Gitega et Ruyigi, la population se dit impliquée mais rencontre plusieurs difficultés notamment liées à cet élevage et l’écoulement des dérivés. Une situation que l’administration locale suit de près et entend résoudre.
Selon Jean Claude Havyarimana, chef du Service Production, Santé animale et halieutique en province de Gitega, l’élevage des lapins est bien pratiqué en province de Gitega. Dans presque toutes les communes, la population s’adonne à cet élevage avec un total de 105.024 lapins : 13.325 lapins à Bugendana , 6.981 à Giheta, 25.364 à Gitega, 8.104 à Itaba, 9.113 à Makebuko, 6.642 à Bukirasazi, 5.130 à Buraza, 7.731 à Gishubi, 3.100 à Ryansoro, 14.856 à Mutaho et Nyarusange en compte 4.678.
Même son de cloche à Ruyigi où l’administration qui, après avoir été sensibilisée sur le projet de l’élevage des lapins, a procédé à la sensibilisation au niveau de la population. « Ce qui est évident c’est qu’une grande partie de la population n’a pas encore pu élever les lapins, peut-être suite à la pauvreté mais il y a d’autres qui trainent les pieds ; d’où notre effort à redoubler la sensibilisation », fait savoir Valérie Nkunzimana, Chef de cabinet du gouverneur de Ruyigi.
Pour amener la population à faire sienne l’élevage des lapins, l’administration à la base a dû prêcher par l’exemple. Ainsi à Gitega et à Ruyigi, les administratifs élèvent eux aussi des lapins ; ce qui sert de modèle aux éleveurs locaux.
A Ruyigi, le Chef de cabinet du gouverneur fait savoir que cet élevage était présent mais qu’ils ont doublé d’efforts en commençant par les autorités. « Chez nous avons mis ensemble le budget et on a fait une association pour l’élevage des lapins. Au niveau de la province, nous avons 6 lapins pour être l’exemple des autres».
Faire de la cuniculture un élevage de rente
En province de Gitega, selon toujours Jean Claude Havyarimana, chef du Service Production, Santé animale et halieutique, la province a donné à chaque zone 15 lapins et chacun donnera aux autres 15 lapins après leur multiplication dans la chaîne de solidarité. La commune Gitega élève au moins 20 lapins.
C’est dans le même souci de développer cet élevage qu’un programme de mettre en place un centre naisseur est en train d’être planifié avec le Bureau de l’agriculture et de l’élevage de Gitega. Il sera érigé à Giheta, sur la colline Kiremera.
Depuis longtemps, quelques Burundais pratique l’élevage des lapins mais sur une petite échelle. Ce n’est qu’avec l’arrivée au pouvoir du Président Evariste Ndayishimiye que cet élevage est érigé en activité génératrice de revenus et à long terme destiné à l’exportation. Dans l’exercice budgétaire 2024, le Gouvernement a prévu investir dans la cuniculture 250 milliards de BIF. Un grand projet au regard de ce montant et l’attention que le gouvernement consacre à cet élevage.
Un appel que la population de Gitega et de Ruyigi a pris à la lettre à l’instar d’Éric Vyumvuhore, de la Colline Rutegama en commune Gitega, qui malgré ses 15 ans dans la cuniculture, s’est amélioré avec la politique du gouvernement.
« Quand les autorités ont commencé la sensibilisation, j’avais beaucoup d’informations sur les lapins et après j’ai commencé à enseigner cela aux autres dans les communes de Gitega car on reçoit même des experts de l’étranger venus pour nous former. La motivation m’est venue après une visite d’un client de la Tanzanie qui m’a acheté 70 lapins, 60.000F chacun. C’est après que j’ai vu que les lapins ont une grande importance ».
Quelques modèles de réussite
L’élevage des lapins est devenu pour Eric une source de revenus non moins importante car aujourd’hui il compte à lui seul plus de 200 lapins, 510 autres sont dans la population dans ce qu’on appelle chaîne de solidarité ou chaîne de valeur pour qu’ils se multiplient. Il n’oublie pas de préciser que chaque chose a son début mais avec la persévérance, on en tire des bénéfices : « J’ai débuté avec deux lapins qui se sont multipliés jusqu’à ce grand nombre », confie-t-il.
Eric Vyumvuhore est devenu un modèle et une référence pour la population de la Colline Rutegama mais également pour les autres communes de Gitega. C’est le cas notamment de son voisin Nestor Nikuze qui a beaucoup appris de lui. D’après lui, de quatre lapins en l’espace de 5 mois, il en est aujourd’hui à 41. « Après avoir entendu la sensibilisation du Président de la République et vu la situation chez les amis notamment chez le nommé Eric, j’ai vu qu’il n’y avait pas assez de place à la maison pour étendre cet élevage car ils mettaient bas des lapereaux qui mourraient dès le bas âge. J’ai décidé de délocaliser mon élevage dans un espace beaucoup plus large », dit-il.
Pour lui, il y a des bénéfices dans l’élevage des lapins car aujourd’hui il peut vendre jusqu’à 10.000 BIF le Kilo ; ce qui est une source importante d’argent. Il fait savoir qu’il a un jour payé les frais scolaires de ses enfants grâce aux lapins qu’il a vendus. Il espère acheter sa propre voiture grâce à l’élevage des lapins et pour lui le doute n’est pas permis.
Un succès à force d’abnégation
C’est aussi le cas de Joseph Nahimana, un septuagénaire de Gasanda au chef-lieu de la commune Ruyigi, qui a commencé à élever les lapins depuis Août 2023. C’était suite à la sensibilisation du Président de la République. Il s’est dit : « Pourquoi ne pas le pratiquer ? J’ai acheté 5 lapins, on m’en a volé 3 et je suis resté avec 2 qui se sont multipliés. Aujourd’hui j’ai 24 lapins sans oublier que j’en ai vendu et mangé d’autres ».
L’élevage des lapins est une activité qui est pratiquée depuis des années de manière traditionnelle. L’appel du président de la République est venu renforcer la conscience chez la population qui aujourd’hui essaie de faire de son mieux à le rendre moderne.
Consolate Habonimana est une mère de 8 enfants aujourd’hui âgée de 40 ans. Nous l’avons rencontré sur la sous colline Zege, colline Rukoba en commune et province Gitega. Elle est un éleveur de lapins amateur de la communauté Twa. Aujourd’hui, elle vit grâce à cet élevage :
« J’ai commencé à élever les chèvres mais cela n’a pas marché car elles sont tombées malades. J’ai alors décidé de rebondir par l’élevage des lapins. Il y a deux mois j’ai acheté trois lapins qui s’ajoutaient à un autre que j’élevais déjà. C’était une nouvelle expérience. Je dois dire qu’il m’a porté chance car aujourd’hui j’en arrive à avoir des lapins à vendre et des lapins à manger ».
Un élevage aux multiples retombées potentielles
« Sans lapins pour moi il n’y a pas de paix ». C’est le cri du cœur de Consolate comme d’autres milliers d’éleveurs de lapins de Ruyigi et Gitega. Cela est d’autant vrai qu’elle tire de cet élevage des profits. « J’ai eu un enfant qui avait une tumeur à la tête. J’ai vendu huit de mes lapins à 120.000 BIF pour l’amener à l’hôpital et il s’est rétabli. J’avais au total 24 lapins et grâce à eux j’ai pu soigner mon enfant et je mange aussi de la viande ».
Eric Vyumvuhore de la Colline Rutegama a lui aussi récolté des dividendes de cet élevage : « J’ai déjà 8 vaches Frisonnes, 20 moutons qui ont été achetés grâce à l’argent provenant de la vente de ces lapins ».
L’heure de la comptabilité a sonné chez Joseph Nahimana de Ruyigi. Avec près de 340.000 BIF qu’il a utilisé pour la construction des clapiers, il a déjà vendu 60 lapins et 34 sont morts. Il a donné à ses enfants 4 lapins et il en a mangé 20. « Si on met cela en FBU, dit-il, les 340.000 BIF ont déjà été récupérés ».
La commercialisation des dérivés en peine
Malgré une campagne tous azimuts de modernisation de l’élevage des lapins, les éleveurs se heurtent à plusieurs difficultés quant à la commercialisation des produits dérivés ou issus des lapins. Notamment l’urine et la viande.
A Ruyigi, il n’y a pas de marché pour les lapins comme le rapporte Joseph Nahimana. Pour lui, si quelqu’un vient chercher un lapin, il le donne toujours à 10.000 Fbu. On se heurte au fait que même les vendeurs de viande ne sont pas habitués à la viande de lapins car peu de gens en consomment.
Nestor Nikuze se plaint du manque de marché pour l’urine de ses lapins : « On nous avait dit qu’il y aura un marché pour l’urine qui nous donnera le minimum d’argent mais en vain. On devrait la vendre et acheter en retour la nourriture des lapins, construire d’autres clapiers et pourquoi pas payer les travailleurs ».
Le même problème d’écoulement de l’urine des lapins est soulevé par Eric Vyumvuhore. La solution alternative a été d’utiliser cette urine comme engrais chimiques dans les champs car ils ont trouvé qu’elle est naturelle et n’affecte pas les plantes.
D’après lui, la plupart des gens de sa colline ne pratique pas l’élevage des lapins car ils ne voient pas le marché direct pour leurs bêtes : « S’il y avait un marché pour les lapins, on aurait la motivation de les élever mais pour le moment tout le monde attend encore pour voir l’ampleur de cette politique ».
Et pour Joseph Nahimana de Ruyigi, il a déjà vendu 4 bidons d’urines de lapin à 2.000 BIF le litre et il en a retiré 40.000 BIF ; une somme qui lui a aidé à acheter la semence de haricot. Mais ce n’est pas toujours facile d’avoir des clients pour cette urine car, selon lui, il préfère souvent la donner gratuitement pour sensibiliser les gens à en acheter lorsqu’ils auront compris son avantage.